dimanche 8 septembre 2013

Chapitre ultime (Dame Madeline)

Une vie bien rangée – Dernier chapitre

Bip! Le son du buzzer lui fit rouvrir les paupières. Frédéric était en nage et la sueur qui suintait avait largement chassé son reste de vétiver de la veille. Le pouls encore rapide, il analysa la situation. Il était en vie! Il huma l’odeur de l’oreiller encore chaud à côté de lui et poussa un soupir de soulagement en reconnaissant le parfum.
Ouf! Quel cauchemar! Mais bonne nouvelle, il avait rêvé. Le Canigou, Pézilla-la-rivière, le faux meurtre, l’enlèvement, la Dolores à moustache, Diego agent secret, la mort de Diego…. Tout cela n’avait jamais eu lieu! Un coup d’œil sur le radio-réveil : six heures du matin. Il en tremblait encore. Tout lui avait paru si réel. Il laissa ses yeux se réaccoutumer à la lumière du petit jour et son regard erra sur ses objets familiers : un cadre de son fils sur la cheminée haussmannienne, sa lampe de chevet Ikea, sa montre sur sa table de nuit… Sa montre… Mince! Instantanément, il la remit au poignet. Il devait éviter de la retirer, mais son oreiller de gauche avait eu des plaintes quant à la froideur du métal...

De la porte de sa chambre, il reconnut le réfrigérateur de la cuisine, la carte postale qu’Isabelle venait de lui envoyer du Suriname et la photo de son fils. Que la vie était belle! Bon sang, son rêve avait semblé si vrai qu’il en était encore mal à l’aise. Le bruit de l’eau qui coule acheva de le conforter. Comme à son habitude à six heures du matin, la douche était occupée… par l’oreiller de gauche. Dieu qu’il allait reprendre sa petite vie bien rangée. Le bruit des klaxons parisiens attira son regard vers l’extérieur de la fenêtre. Temps gris, embouteillages, tout allait bien. Le sol vibra légèrement au rythme du métro qui venait de passer. En y réfléchissant, il aimait bien sentir le métro sous ses pieds dans son appartement du rez-de-chaussée. Et puis dans le seizième, il était bien placé. Pas loin du boulot, le métro Bir-Hakeim à quelques minutes, non, finalement il ne déménagerait pas. Il allait passer un coup fil à son agence immobilière pour arrêter les recherches.

Le week-end prochain, c’était son week-end, il descendrait dans la maison de campagne d’Isabelle à Pézilla-la rivière pour prendre son fils. La douche s’arrêta. La cuisine était parfaitement propre et bien rangée, chaque chose sa place et une place pour chaque chose. Il prépara son Nespresso et se mit à le humer, façon George Clooney. Le grille-pain sonna. Deux tranches, dorées à l’identique de chaque côté, en sortirent. Il beurra soigneusement les deux tartines puis ajouta de la confiture fraise-rhubarbe sur la seconde. Tandis qu’il savourait la confiture du jardin d’isabelle, deux grandes jambes poilues et musclées s’avancèrent vers lui :

tou m’a préparé ma tartine, mi amore,
Diego l’embrassa à pleine bouche tandis que Fréderic râla.
tain! T’es encore tout mouillé. Tu aurais pu te sécher tout de même! Tu es en train se dégouliner partout! J’ai tout lavé, moi, hier!
Si, si, c’est pour rompre ta monotonie quotidienne...
Il croqua dans sa tartine beurrée puis sembla chercher quelque chose.
Ils sont où mes churros ?
Ah non! Tu vas pas recommencer. Tu es au régime! Pense à ta ligne, ou ton agent va te faire la peau!
Mi agent, il dice que y’ai oun physique parfait pour rouer oun flic! Peut-être que tou pourrais m’aider pour rouer ce rôle ?
Ah non, je ne suis pas un agent de terrain, moi, je suis A-NA-LYSTE, c’est tout. Je ne fais rien de passionnant, juste de la paperasse.

Ce n’était qu’un demi-mensonge. Diego savait que Frédéric travaillait pour le Ministère de la Défense, mais il ne savait rien de plus. Frédéric regarda Diego, se l’imaginant en train de tourner une scène d’action. La recherche d’antécédents que la DGSE avait menée avait fait remonter toutes les publicités espagnoles dans lesquelles Diego avait tourné – plutôt cocasses. Comédien, voilà bien un métier qu’il serait incapable de faire...

Diégo observa le visage pensif de Frédéric :
Tou es stressé, mi amor ?

Frédéric sortit de ses réflexions :

  • Tu vas rigoler Diégo, j’ai fait un rêve complètement barge. J’ai rêvé que t’étais un agent de la DGSE!
  • Moi, oun espion! N’importe quoi!
  • Oui, et on ne s’était vu qu’une seule fois, comme si d’un coup, nos six derniers mois avaient été balayés!
  • Tou dors trop, mi amore! Il faut moins faire de folie de ton corps la nouit… ça ne te réoussit pas….

Diégo sortit de la cuisine et partit s’habiller. Frédéric repensa au boulot. Merde….Le boulot… Il lui fallait arrêter la machine au plus vite. À huit heures précises, il devait passer déposer son rapport, le rapport qui liait son boss au trafic d’armes, d’enfants et impliquait le Président de la République. Mais après le rêve qu’il venait de faire, il n’était plus du tout prêt à vouloir divulguer la vérité. Trop risqué. Non il lui fallait absolument tout arrêter. Après tout, il n’y avait que lui qui était au courant, il lui suffisait de dire qu’il n’avait rien trouvé.

Dans la chambre, il entendit Diego chantonner en espagnol. Il prit son tournevis de bijoutier, une paire de ciseaux et fila dans la salle de bain.

Là, il verrouilla la porte. Il défit sa montre, retira le microprocesseur qu’il y avait placé la veille, le coupa en deux et le jeta dans les toilettes, se débarrassant de l’unique preuve qu’il avait. Enfin, il prit sa douche, soulagé.

À sept heures trente, ils étaient tous les deux rasés, habillés, prêts à partir travailler. On sonna à la porte. Diégo alla ouvrir en pavoisant : « le Stoudio m’attend…. » et il ouvrit la porte sur le visage rayonnant et frais de ….. Dolores.

Frédéric la dévisagea comme peu souvent il l’avait fait auparavant. Finalement, sans moustache, elle était belle cette femme. Une femme chauffeur, c’est vrai que c’était rare.

Diego attrapa son GSM et fila après avoir passé son bras une dernière fois autour des épaules de Fréderic, puis il sortit. Fréderic ne bougea pas. La porte d’entrée se rouvrit. Fréderic tendit son paquet de cigarettes à Diego. La porte se ferma à nouveau. Fréderic ne bougea toujours pas. Nouvelle ouverture de porte. Frédéric lui tendit son briquet. Nouveau claquement de porte. Décidément tous les matins se ressemblaient et c’était très bien comme ça. Il l’aimait sa petite tête de linotte de Diego! Il entendit la Ford démarrer et partit à son tour en direction du métro.

Lorsqu’il arriva devant le Ministère, un attroupement inhabituel de journalistes lui rendit l’accès difficile. Bon sang, que se passait-il ? Il vérifia son téléphone, il n’avait pourtant reçu aucune alerte. Un journaliste de TF1 l’apostropha :
« Monsieur, vous travaillez-ci ? Qu’avez-vous à dire sur les liens du Ministre de la Défense avec le trafic d’armes ? Pensez-vous que le Président de la République est impliqué ? »
Comment était-ce possible ? Il avait pris soin d’effacer toutes ses conclusions. Il était toujours le premier au courant, qui avait bien pu vendre la mèche ?
Maudits journalistes! il se freina difficilement un chemin. Il ne devait pas leur parler, pourtant il ne put s’empêcher de demander :
  • Mais d’où tenez-vous cela ?
  • Nous, on ne fait que retransmettre une information qui a été lâchée par El Pais et le CNI ce matin!

Son visage se liquéfia. Le CNI. Il venait de se faire doubler par les services secrets espagnols!

jeudi 5 septembre 2013

Chapitre de l'avant dernier! (Madeline)

Frédéric se remettait lentement de ses émotions tandis que les sirènes de police continuaient leur sermon plaintif. Il palpa chaque parcelle de son corps bleuit par les gyrophares, pour vérifier qu’il n’avait pas été touché. Ah ! Paramaribo, ça, il n’était pas prêt d’oublier ! L'échange de coups de feu avait bien failli lui être fatal.

Dans le tumulte de la scène, il avait à peine entendu les portières des Ford Sierra claquer. Encore abruti par l’agitation ambiante, il retrouvait à peine ses esprits lorsqu’il vit quatre uniformes rouge et vert – ornés d’une étoile jaune - s’affairer autour de lui. Il fixait les fusils, solidement tenus d’une main tandis qu’il s'imaginait déjà les poignets captifs de menottes froides. Pourtant c’était lui la victime. Rien ne semblait avoir de sens. Il paniqua, bloqua sa respiration, durcit son estomac, anticipant les coups de crosse qu'il se voyait déjà recevoir à moins que ce ne soit un uppercut qui éjecterait sa seule molaire non cariée, en dehors de sa bouche. Arrête ton film ! Fred ! se persuada-t-il en osant un coup d’oeil sur le visage des policiers.

Tout se passa alors comme au ralenti. Très rapidement, les deux flics de derrière assommèrent leurs collègues. C’est alors que Frédéric reconnut le visage de..….Dolores ! Jamais il n'aurait pensé trouver aussi réjouissant le visage de cette Lara Croft à moustache.
  • Bon, alors, tu te magnes, ou quoi ? lui hurla-t-elle.
Derrière Dolorès, le quatrième policier terminait d’immobiliser les deux autres flics puis il se releva et son regard de braise croisa celui de Frédéric. Diego, Dieu soit loué ! Diego était là, déguisé en policier, il allait le sortir de là ! oh, Diego, mon cher Diego !
- Monte, abrouti ! il faut s'enfouir avant que la vraie polizia ne vienne…


Dolores prit le volant, Diego poussa Frédéric sur la banquette arrière et s’assit à coté de lui. La Ford Sierra repartit à toute allure sur la voie de droite dans un hurlement de sirène.
- Poutain, Gauche - Izquierda, Dolores, on roule à gauche ici ! Bordel !

Dolores donna un coup brutal à gauche et la voiture s’enfila dans un nuage de poussière.
Soudain, le Cmax canari apparut dans le rétroviseur :
  • On a de la visite, s’écria Dolores
  • Peut être que si on avait éteint les sirènes… se risqua Frédéric.
Diego et Dolores se regardèrent, l’espace d’une seconde, dépourvus par le sens analytique de Frédéric.

Dolores écrasa le pied sur l’accélérateur et prit la direction de la côte. Le temps était lourd et la chaleur insoutenable. Des nuages noirs menaçaient l’horizon. La route sinueuse longeait la côte atlantique tandis que le Cmax se rapprochait dangereusement. Un coup de tonnerre retentit, suivi d’autres coups…Instinctivement, Diego bascula Frédéric pour le protéger des tirs. La vitre arrière vola en éclat. Un éclair zébra le ciel sombre. Des pluies violentes s’abattirent. Dolores n’y voyait rien. La route se faisait étroite. La voiture s’enfourcha dans un virage très serré toujours talonné par le Cmax. De nouveau coups de feu retentirent.

Arrêt sur image.

Frédéric, effaré, sentit une balle lui traverser l’épaule. Il ne remarqua pas tout de suite la douleur. Son cerveau lui martelait qu’il n’aurait pas dû se relever. Il se tourna, affolé, vers Diégo et vit avec horreur du sang jaillir de sa bouche et ses yeux… fixes. Non ! Pas lui ! Il resta pétrifié pendant quelques secondes observant les gouttes de sang marquer des auréoles de plus en plus larges sur l’uniforme de Diego. La voiture filait toujours dangereusement le long de la route côtière sans pouvoir distancer ses poursuivants. La pluie faisait rage. Frédéric eut soudain le sentiment de ne plus entendre le crissement des pneus ni le battement des essuies-glaces. Niant sa douleur physique, repoussant la réalité, le cœur déchiré et battant à tout rompre, son cerveau tentait toujours d’analyser la situation.

Retour en arrière.

Son ras le bol des convenances et de sa petite vie bien rangée. Sa divulgation du rapport qui allait pour la première fois compromettre un ponte de la DGSE, proche du président. Son patron, qui plus est. Il fallait vraiment être naïf pour croire que cela aurait pu se passer autrement. Tandis que ses yeux fixaient sans le voir, le visage désormais sans vie de Diego, il se remémora la passion de leur rencontre imprévue et improbable.
Sans son rapport Diego serait toujours en vie ! Consumé de culpabilité, étouffé de remords, il osa à peine un regard sur la route. On n’y voyait rien de toute façon. Il était trempé par la pluie qui s’engouffrait par l’arrière. Encore un virage serré ! La voiture allait vite, tellement vite ! Soudain, il se sentit partir en apesanteur. Le cri de Dolores le sortit de sa torpeur. Le vide. La Ford venait de manquer son virage et allait immanquablement finir dans l’océan. La chute lui parut interminable. Il pensa alors à son son ex-femme, à son fils, Raphaël, à tous les doux moments qu’ils avaient vécu ensembles. A la France, à Paris, au Canigou… Et puis plus rien.

……..



mardi 16 juillet 2013

Chapitre 14 (par Nécromongers)

La vérité, balancée comme un linge sale à savonner, comme une carcasse à se déchiqueter entre narco trafiquants ou autres politico pédophiles, aurait pu avoir une saveur nihiliste au final. La vérité n’avait rien d’un goût sucré et caramélisé, elle s’étalait sur une tartine trop petite et pleine de trous, de fuites, d’indics, de taupes, de trafics, de politiques… et maintenant un avocat surement véreux ! A qui faire vraiment confiance en ce bas monde… Diégo ? Diégo ne maitrisait pas tout, comme bon nombre de vautours qui gravitent autour d’une dépouille certains n’en garderont que le souvenir d’un fond de l’œil. Mais Diégo était le seul ami qui lui restait sur terre pour l’instant. Le seul qui l’avait compris depuis toujours, vu en lui ses capacités, depuis le début, depuis ce jour où sa propre dépouille avait trouvé son chacal au bord d’un lac…bon, bref.
Frédéric avait l’impression de devoir ravaler sa fierté et les tours de passe-passe que son corps réfrénait. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’autre imbécile d’armoire à glace de taxi se pinçait la gueule d’un sourire narquois au sortir du Dixit Bar en l’apercevant. Oui, il était encore là, à croire qu’il le suivait à la trace. Ça irait plus vite pour les explications, il savait au moins où le ramener sans devoir se perdre dans des explications gestuelles. Il grimpa dans le Cmax canari.
« Al ? Het was het snel ? » se sentit-il obligé de rajouter en riant, sans que Frédéric n’en comprenne le sens.
« Hotel TORARICA ! » lui répondit Frédéric en tendant le bras d’un ton autoritaire, doigt pointé vers le pare-brise.
Fini le temps désinvolte de la vie bien rangée qu’il avait menée jusqu’alors, aux sons des lendemains sans surprises, qui lorgnaient vers des imprévus impossibles. La peur panique qui l’avait parcouru régulièrement durant les épisodes tonitruants du début de cette aventure, laissait peu à peu la place à des angoisses et des questionnements. Il n’était plus aussi impressionnable et empli d’une crétinerie maladive que pouvait caractériser l’attitude « manche à balais dans le cul » d’un fonctionnaire passe-partout. Cette histoire l’avait révélé à lui-même… autant qu’il en avait à révéler pour le monde.
Le chauffeur pénétra sur la grande avenue qui menait à l’hôtel, pour s’arrêter devant l’entrée principale. Frédéric tendit 20 Dollars Surinamien au colosse de la Ford qui commençait à fouiller pour la monnaie, mais de dépit il lui fit un signe zélé de la main.
« C’est bon, c’est bon… »
Face à l’immense entrée de l’hôtel, en plein centre de Paramaribo, Frédéric se sentit seul. C’est ce qu’il croyait devoir rechercher pour se poser un peu, après tout ce temps à courir partout sans pouvoir vraiment reprendre des forces, mais il ne s’attendait pas à ressentir l’empreinte du solitaire au secret, presque nostalgique de sa petite vie bien rangée. Mais cette vie-là ne l’aurait pas fait voyager aussi vite en d’aussi nombreux endroits… non, évidemment, mais à quel prix ?
Seul, et tellement loin de ses pensées tranquilles. Tellement pris par un boulot à temps plein mal payé qu’il en était devenu l’esclave au lance-pierre, d’un sale air de déconvenues. Le repos du corps et de l’esprit n’avait guère eu le temps de gagner ses louanges de sérénité depuis ses quelques derniers jours, à passer d’un endroit à un autre. L’ordre lui en venait ainsi, mais… de camionnette en avion fantôme, de cabanon en tunnel à moustache, de cavale de rue en enlèvement en Dodge, de taxi en club d’homo… de fiesta en Seat il aurait préféré la « sit for fiesta »… il se sentait plombé par un gros coup de savate qui lui disait « fait sissite mon gros, stop un peu la manœuvre, ce soir y’a feu rouge ! »
Il entra finalement dans le hall avec la seule conviction d’afficher à jamais un instant solennel, qui s’inscrirait sur l’autel de sa paix… laisser en évidence une grosse trace humide de transpiration sur l’oreiller qu’il allait crever… avant demain 15h.

*

Sa nuit qui avait largement tiré sur le jour fût d’une lourde et pesante chape. Frédéric se réveilla comme groggy.  Ses draps empestaient le vétivert, et son oreiller était comme prévu, trempé. Il sauta de son lit comme un chameau se couche sur ses pattes, et enfila à l’envolée de quoi paraitre moins dévêtu. Le chemin fût brumeux jusqu’à la douche, mais la fumée brulante qui emplissait la salle de bain l’enveloppa d’un air aussi humide que le liquide qui l’avait fait naitre. On frappa à la porte.
Quand il ouvrit, pour toute réponse un calme parfait dans le couloir. Sous ses pieds une enveloppe. Un message.
« Contre toute attente le ton change. Te faire baiser en grande pompe ou te faire limer incognito ne change rien à l’affaire, baiser c’est baiser, ce qui compte c’est si on choisit… retrouve moi chez l’avocat dans 2 heures. Diégo. »
Il avait beau lire et relire le mot, ça n’était pas le style de Diégo. Il regarda sa montre flambant neuve, 16h34… le rendez-vous n’était prévu que le lendemain à 15h. Diégo lui avait bien dit demain, et il l’avait vu cette nuit. Ça ne sentait rien de bon. Il s’approcha de la fenêtre et poussa légèrement les rideaux pour jeter un œil à la rue… en face… le Cmax canari ! Toujours là ! Tout ça c’était du pipo, il fallait vérifier, il n’avait pas de quoi contacter Diégo directement, il n’avait que le Dixit et Raúl… il fallait tenter.
Un nom. Pour un nom tout était remis en question. La vérité ne suffisait pas s’il manquait une pièce au puzzle, et on lui avait fait croire que tout baignerait après ses révélations au président… une belle merde! Merci la France et ses services, merci la DGSE et ses acolytes véreux ! Il s’était encore péniblement trempé dans la naïveté du métier qu’il ne connaissait pas. Mais il fallait trouver une solution, il fallait trouver un plan pour tous ces enfants enlevés, utilisés, mutilés, prostitués… les ventes d’armes, juste une couverture, la politique juste une ouverture d’envergure… une démesure qui défigure…
Quand il descendit les escaliers pas à pas, il pensa à Raphaël, son fils. Une remontée d’acide qui lui prit la gorge et lui fit naitre des crampes au ventre. Il n’y avait plus pensé comme ça depuis des lustres, des années…
Il était derrière l’entrée principale et apercevait le taxi jaune. Il fit demi-tour et demanda comme il put l’entrée de service. Une petite ruelle en parallèle à l’avenue principale lui offrait son calme et une sortie discrète. En remontant la rue il croisa un autre taxi qui déposait quelqu’un, un coup de chance. Le Dixit, apparemment connu, trouva son chemin rapidement par le taxi. Il regarda de nouveau sa montre, 17h25. Le Dixit avait ouvert depuis peu, il entra rapidement, presque essoufflé alors qu’il sortait d’un véhicule. Au bar il demanda aussitôt à voir « Raúl ». Pour toute réponse le barman sortit un fusil à pompe de derrière le bar et lui demanda poliment de sortir. Il ne tergiversa pas. Dehors, alors qu’il y reculait, en se retournant il vit le Ford Focus Cmax canari.
Tout se passa très vite. Mr gros bras du Ford canari sortit en trombe de son véhicule un calibre 38 à la main, Frédéric se jeta à plat ventre sur le sol, Mr le Barman au fusil à pompe tira dans la Ford et Mr taxi jaune répliqua de plusieurs coups de flingue, il explosa le crâne de Mr le tenancier, Dixit le barman. Mr le colosse au 38 rempila dans sa focus et décolla dans un crissement de pneus à creuser le bitume. Au moment où Frédéric se releva penaud, le son retentissant des sirènes florissantes de la police hurlait dans l’air comme une eau bénite prévenue à l’avance du pain qu’elle avait à faire partager.
Il se posa déjà la question de savoir comment il irait à ce rendez-vous de 15h, et si seulement ça en valait le coup. Et très vite, comment il irait du coup… car dans un dérapage du feu de dieu les flics étaient là, presque déjà sortis de leur Ford à eux… des sierra. Diégo… était-il au courant ? Mais qu’est-ce que c’était  que ce piège à la con ?


mardi 9 juillet 2013

Chapitre 13 (par Elsa)

Dix-neuf heures et cinq minutes de vol pour enfin atterrir à l’aéroport de Paramaribo après une interminable escale à Miami, l’avaient carrément achevé. Impossible de dormir en classe éco, coincé entre deux matrones dont les bourrelets débordaient de leurs sièges et qui avaient ronflé la moitié du trajet. Au moins était-il enfin seul, débarrassé de sa Dolorès à poils longs et des sbires à cerveau taille XS. Il avait tenu à se rendre seul au Suriname : c’était le deal. Seul ou nada … Qu’on lui foute un peu la paix ! Arriver à une heure du matin par une chaleur visqueuse dans un pays inconnu avec en prime le décalage horaire, lui parut un inconvénient mineur par rapport à la semaine de dingue qu’il venait de passer. Après avoir changé une liasse d’euros contre une liasse encore plus volumineuse de dollars surinamiens à l’unique guichet encore ouvert et tenu par un hindou enturbanné, il héla l’un des innombrables taxis qui attendaient le débarquement du dernier vol Surinam Airways en provenance de Miami. Il essaya en vain de se faire comprendre en anglais, en espagnol et en français, puis, au bord de la crise de nerfs, il colla sous le nez du chauffeur le dépliant de l’hôtel Torarica, où une chambre lui était réservée.

- U gaat aan Torarica. Geen probleem… lui répondit enfin, d’une voix gutturale, le sculptural créole, aux dents phosphorescentes.

L’armoire à glace, tout sourire, prit son sac de voyage qu’il jeta sans ménagement au fond du coffre de la rutilante Ford C-Max, jaune canari. Putain! si tout le monde ici ne parlait que le néerlandais, il n’était pas sorti de l’auberge. Terrassé par une subite envie de dormir, à peine installé dans le taxi il se laissa sombrer dans le sommeil et ne rouvrit les paupières que lorsqu’une main large comme une enclume lui brisa l’épaule.

- Men is aangekomen. Is het hotel.

Il régla la course et se dirigea encore dans le coltard d’un pas zigzaguant vers le hall de réception de l’hôtel. La climatisation poussée à fond, finit de le réveiller. Ayant décliné son identité au réceptionniste qui baragouinait un peu d’anglais mêlé d’hindustani, il récupéra la clé de sa chambre et au moment où il finissait de remplir sa carte de séjour, le gars lui remit une enveloppe à son nom. Son contenu était sans équivoque :

« Salut ma poule, t’as juste le temps de prendre une douche, t’asperger de vétiver, tu sais que j’adore ça et de venir me rejoindre au Dixit Bar, fissa. Bouge ton petit cul qui me manque. J’en peux plus de t’attendre. Nan, je déconne, c’est du lourd et du sérieux. Diego
PS : ici on m’appelle Raúl »

Frédéric qui rêvait de dormir peinard dut se rendre à l’évidence. Si Diego prenait le risque de le contacter par écrit c’est que la situation était vraiment urgente, voire catastrophique. Vingt minutes plus tard, il redescendait dans le hall vêtu d’un jean et d’un T-shirt propres, laissant dans son sillage des effluves boisés de vétiver. Il n’eut pas besoin de commander un taxi, la Ford C-Max jaune canari stationnait devant l’entrée de l’hôtel, à croire que son conducteur avait des dons de médium.

- Dixit Bar… lança-t-il au créole

- Arf… de zeebaars voor homoseksuelen… s’esclaffa la montagne en agitant le petit doigt…

- No compris, répliqua Frédéric que le type commençait réellement à énerver.
Le Dixit Bar  était situé près de la Johannes Mungra Straat, l’une des rues les plus animées de Paramarabito, en plein cœur de la ville. Le taxi s’arrêta devant la porte et réclama quinze dollars ce qui parut énorme à Frédéric pour un trajet qui n’avait pas pris plus d’un quart d’heure.

- Amuseren u goed ! lui décocha le chauffeur avec un sourire en coin, ponctué d’un clin d’œil lubrique.

Frédéric haussa les épaules et pénétra dans le bar qui se révéla être une boîte de nuit bondée de mecs plus bandants les uns que les autres. Un DJ œuvrait aux platines et balançait une sauce techno digne des meilleures nuits extatiques d’Ibiza. Repérer Diego au milieu de cette foule déhanchée relevait de l’exploit. Évitant de répondre aux regards concupiscents qui l’accompagnaient dans chacun de ses mouvements et détaillaient dans les moindres détails son anatomie, il se dirigea vers le bar, lorsqu’il sentit une main connue lui empoigner les fesses.

- Tou es là, ma poule ! jé rêve ! Tou es encore plou beau que la dernière fois qué jé t’ai vou… et tou embaumes le vétiver… Jé craqué… Jé té commande un drink et tou me suis dans la backroom, on y sera tranquilles pour causer.

- Diego… heu Raúl, la backroom c’est vraiment indispensable ?

- Jé dis causer, ma si tou veux après… pas de problème… tou sais qué jé bande toujours pour toi…

Il éclata de rire devant la mine perplexe de Frédéric. Deux mojitos plus tard, dans la pénombre de la backroom, Diego livra ses confidences.

-  Jé mené ma petite enquête dans le cadre des Opérations clandestines et jé découvert, ma poule, que tou es oune grand cachotier. Quand tou as consigné les éléments dou trafic d’armes avec le proche Orient tou n’as pas pou ne pas faire le lien avec l’Amérique latine vou certains  mouvements de fonds avec les caraïbes en particoulier les îles caïmans. Dé plousse, jé suis sour qué tu es au courant de l’Opération Peter Pan sour laquelle j’enquête avec Paul depouis trois ans. Oune TEH particoulier puisqu’il s’agit d’oune trafic d’enfants et d’oune réseau pédophile d’envergoure internationale. Ma, c’est pas gentil de né pas m’avoir pas fait confiance sur ce coup-là. Jé suis pas rancounier et j’aime trop ton petit coul pour t’en garder rigueur. Ma poule, tou a mis la main sour de la dynamite ! vou que jé pense que tu as la preuve qué quelqu’un chez nous a couvert le trafic et y es mouillé jousqu’au fond de la coulotte. Oune ministre par exemple ? Jé dis cela comme ça… cé pas moi qui ai les preuves… En revanche, jé retrouvé ici des familles d’enfants disparous qui rêvent de vengeance et contacté oune avocat, qui pour oune somme d’argent à six zéros est prêt à travailler pour nous. Oune procès qui sera largement relayé par les médias.  Tou me souis ou faut qué jé te fasse oune dessin?

Frédéric opina de la tête. Le dessin était imprimé dans son cerveau depuis pas mal de temps.

- Tou vas trouver cé type et tou loui dis cé qué tou sais, sans loui filer le nom. Tou serais pas con à ce point-là ! Jé débloqué les fonds nécessaires pour qu’il collabore avec enthousiasme. Cé la seule chance qué tou as dé sauver ta jolie peau. Ma, j’assurerai tes arrières, tou penses bien qué jé tiens trop à eux pour qué tou les perdes ! Tou as rendez-vous à son cabinet démain après-midi, quinze heures.

- Et ton baveux, il ne parle que le néerlandais, je parie…

- Ma, jé té l’ai dit… passé un certain nombre dé zéros, le mec est polyglotte… Alors tou es d’accord ?

Diego lui tendit une carte de visite pompeuse où s’étalaient en lettres dorées le nom et l’adresse de l’avocat.

- J’ai le choix ?

- Si tou veux garder tes bijoux de famille intactes, non, jé né crois pas…

Frédéric prit la carte et promit à Diego de contacter l’avocat. Son pote n’insista pas quand il décida de rentrer tout de suite à l’hôtel. Il n’avait qu’une seule envie : que tout cela cesse…










dimanche 30 juin 2013

Chapitre 12 (par Pierre Hamelin)


Des pépites et des sauvages tu vas en rencontrer plein, plein, plein… Ces mots résonnèrent dans sa tête telle une alarme surgissant à l’approche d’une violente tempête. Il se sentait pourtant en sécurité depuis qu’il avait tout dévoilé au président. Ce dernier lui assurait l’anonymat lors de ses déplacements et sa mission ne consisterait qu’à livrer l’information qu’il détenait à un cercle fermé d’agents de la DGSE en mission.

Des pépites et des sauvages tu vas en rencontrer plein, plein, plein… que voulait-il insinuer?

C’est alors que Frédéric décida de scruter les intentions derrière cette escale qu’il croyait de tout repos. Il regarde Dolorès, tente de l’amadouer avec un sourire attentionné. C’est alors qu’il remarqua la cicatrice sous le menton lui donnant un air de capitaine Crochet. Que s’est-il passé? L’ont-ils tabassée? Pourquoi?

— Depuis quand as-tu cette cicatrice se décida-t-il de lui demander?
— Tais-toi espèce de con, tu nous as encore foutu dans la merde en livrant toute l’information au président, et ce sans discernement
— Mais, je ne comprends pas, c’est notre président? On se doit de lui dire la vérité? Et on a un marché avec lui, non!
— Oui, mais pas avec son entourage…?
— Taisez-vous bande de pleutres de cafards boiteux et préparez-vous au pire… Ah oui, Diego, votre ami vous attend à destination

Mais Frédéric savait au fond de lui qu’il n’avait pas tout dit. L’essentiel était sa police d’assurance. Mais était-ce cette omission qui se tournait contre lui et que quelqu’un en haut lieu en savait plus que lui…

Soudain, une bombe éclata dans son cerveau lorsqu’il se remémora des courriels qu’il avait interceptés jadis et que ceux-ci jumelés à d’autres données (lieux, dates, noms, etc.) décela qu’une taupe se terrait dans l’entourage du président et que celle-ci correspondait, sous couvert du secret diplomatique, avec des résidents de la République de Suriname.
Parmi des informations qu’il détenait, il se souvint qu’entre autres, des pirates à la solde du Sentier Lumineux près de la frontière du Suriname et le Guyana se préparaient à attaquer un bateau battant pavillon français.

Mais alors, qu’attendaient-ils de lui? se devait-il retenir l’information coûte que coûte? Devait-il divulguer ce qu’il avait caché au président?

Il ne se sentait pas l’âme d’un agent super entraîné pour résister à la torture.

Des gouttes de sueur commençaient à perler le long de ses tempes de plus en plus grisonnantes, il ne put se retenir, un cerne se dessina le long de ses cuisses. Il n’ose imaginer ce qui l" attend. Ce fut le regard stupéfait de Dolorès qui le sortit de sa torpeur.

Un gorille s’approcha d’eux avec un sourire désinvolte : alors les amis, on se prépare à partir. Nous nous reverrons en Suriname et là, sous les bons soins de nos amis indigènes, vous nous cracherez tout ce que vous savez et serez par après, une bonne monnaie d’échange. Un rire gras s’échappa de sa gorge...

samedi 22 juin 2013

Chapitre 11 (par Marilyn)

 Frédéric rêvait ! Le Président de la République - en personne - s’avançait vers lui ! Il l’aurait bien taillé en morceaux ce fromage, puis étalé sur un pain dur comme une pierre. « Traître corrompu ! Gauche/Droite, tous les mêmes... A quand un juste milieu ? - Bah, tu rêves petit gars. Ce n’est pas sur cette terre que tu trouveras cela ! ».

ça, Frédéric le savait. Et depuis longtemps ! Il se l’était suffisamment répété et ce n’était pas pour rien qu’il s’était enfermé dans sa solitude. Dans son monde virtuel, plus de désillusions, plus d’incompréhensions... Tout marchait sur des roulettes dans ses jeux vidéo jusqu’à cette foutue découverte... et l’idée d’en bâtir un dossier ! Quel con ! Il n’était qu’un con - avait-il eu largement le temps de se convaincre en marinant au fond de ce moulin qu’il connaissait dans ses moindres recoins... Que venait faire son parrain dans l’histoire ?

Frédéric ne rêvait pas. Le Président marchait vers lui avec un sourire coincé sur ses lèvres serrées. Il avançait seul. Enfin, non, il était suivi à bonne distance par six de ses acolytes. Frédéric reconnut aussitôt les deux baraqués. Pas possible de les oublier ! Puis Paul, son supérieur de la DGSE - Paul, impossible de se tromper, même s’ils étaient tous affublés de ce costume city... Lui, ses cravates étaient toujours more than trend. Elles ressortent comme un bouton sur le nez ! Les autres types, il  ne les connaissait pas, ni même ne les avaient rencontrés dans ses tribulations... Et puis il y avait encore cette foutue Lara Craft à poils...

Les deux baraqués dépassèrent le Président sur ses côtés et arrivés à hauteur de Frédéric, ils l’aidèrent à se relever ; il puait comme un singe... Il ne s’était pas lavé depuis « l’escale » à Pézilla-la-Rivière. Il se sentait faible, très léger face au Président, mais bien remonté : le robot docile de la DGSE ne se laisserait pas faire ! La politique et les magouilles, il s’en foutait. Il n’aspirait qu’à une chose : retrouver sa petite vie d’ermite à Passy. Prendre une douche, enfiler ses nippes élégantes, se fondre dans la bonne société. Retrouver les amis virtuels de ses réseaux, son cinoche d’art et d’essai, prendre un pot à la terrasse de la Muette. ça et rien d’autre ! De toutes façons, sa vie ne lui offrait pas d’autres espérances... Alors il dirait tout ! Tout, tout, tout ! Tout contre une douche !

Le Président était maintenant devant lui, se baissant en lui tendant la main... « Bonjour Monsieur Tanget.

- Ah non ! Vous n’allez pas recommencer ! Mon nom est Jantet ! » se rebiffa-t-il d’une voix voulue ferme. Les deux escogriffes l’avaient assis sur l’un des sièges de metteur en scène qu’ils avaient déposés face à face. Comme au cinéma... avait songé Frédéric, prêt pour la séance de B to B. Le Président prit place à son tour, après avoir légèrement repoussé son siège avec un pincement de nez :

- Je tenais à vous présenter mes excuses... Monsieur Danger ! Pardon, Jantet !

- Vous pouvez ! le coupa Frédéric, la colère montant.

- Oh, vous l’avez cherché... Vous avez conservé par-devers vous des informations capitales... Dans une affaire dont vous détenez la clé... m’a-t-on dit...

Frédéric pensa aussitôt à Diégo. Où était-il passé celui-là ? S’il l’attendait à Para-j’sais pas quoi - au Dixit Bar - il pouvait l’attendre longtemps... Encore heureux, il se sentait finalement à l’aise en compagnie du Président. C’était bien plus rassurant que d’être pourchassé par les fous du Sentier Loumineux...

- Ainsi, m’a-t-on dit... vous auriez découvert... dans les opérations du budget... des anomalies... »

*

L’eau coulait dans la baignoire. Pendant ce temps, Frédéric se rasait en sifflotant. Il se sentait ragaillardi. Bientôt « nettoyé » comme un sou neuf.  Les deux baraqués avaient fait des emplettes et suivant sa liste à la lettre, ils avaient rapporté ses produits préférés ; il avait retiré du sac son indispensable baume avant-rasage pour peaux sensibles et même un flacon de 125 ml de son eau de toilette. Unforgivable de Sean John. Des vêtements propres l’attendaient sur le lit, conformes à ses  indications et à ses mensurations exactes. Sa commande avait été exécutée avec rigueur jusqu’au caleçon à pois vert. Frédéric était heureux...

Il n’avait pas été long à accepter le marché. Une telle occasion de voir sa vie de fugitif brutalement transformée en celle de potentiel héros l’avait immédiatement boosté. Homme d’action s’il en avait douté, eh bien il l’était. Bel et bien... La Lara Craft moustachue lui avait donné le goût de l’aventure réelle. Sans risque, pas d’imprévu : rien d’extraordinaire à attendre ! Il était un autre homme... Monsieur « Danger » (son nom de code) était facile à retenir.

Frédéric rassembla ses papiers, puis claqua la porte de la chambre. Arrivé en bas de l’hôtel, il vit Paul et l’équipe qui l’attendaient à côté d’une Dodge NITRO noire. Une autre... A croire que l’État avait des super prix... Il y avait toujours les deux montagnes-piquets et la Dolorès. Paul lui intima de se caler à ses côtés et après une brève mise au point, lança le départ.

« Vous croyez qu’on y rencontrera des Arawaks ? Des Karibs ou des Tupis ? demanda Frédéric.
- Ah-ah, toi t’es resté sur ton nuage, mon p’tit mignon ! répondit l’un des deux colosses dans un rire gras.
- Danger tu peux en croire un vieux de la vieille, renchérit son clone, en république de Souriname des pépites et des sauvages tu vas en rencontrer plein, plein, plein... ça pullule ! »


jeudi 13 juin 2013

Chapitre 10 (par Chris)

Je suis perdu, je cherche une réponse ou du moins une logique à cette histoire. Ce jumeau sorti d'on ne sait ou et cet homme qui me fixait en dehors du café. Cette Dolores qui se transforme tel un golgoth, elle est où d'ailleurs la poilue ? Je me glisse dans le musée en me faisant le plus discret possible. Je me mêle à la foule  tout en cherchant à m'enfuir le plus loin possible d'ici. Le groupe se dirige vers la sortie. Un car de tourisme les attend. Je décide de monter et de prendre place dans le bus. Un homme assis derrière  moi me donne une casquette et des lunettes de soleil : "mets ça vite ! " me dit-il. Il y a un passeport dans la casquette avec ma ganache dessus et un nom. Je suis Fabrice Anka pour le moment. Le car se dirige vers la gare, je cherche un plan B et je décide de partir pour le sud de l'île de France, dans un petit hameau près de Chalo St Mars, c'est très isolé et peut connu. Je me souviens qu'une  personne m'avait parlé d'un mystère mettant en cause certains cadres de la DGSE. Je ne  me souviens que de ce moulin et de ses hautes muraille l'entourant. J'essaye d'indiquer l'endroit au chauffeur de taxi qui me conduit.
"Pourquoi aller la-bas ? "me dit le chauffeur, je ne repond pas.
"Vous devriez repartir" me dit-il encore.
Le taxi me laisse devant le portail du moulin, je sonne mais personne ne repond. Pas même le vent ne fait de bruit dans les branches des arbres de cet endroit reculé. Une voiture arrive à ma hauteur, un bras me tire à l'intérieur. Je suis bâillonné et on me cache la vue. Un sentiment de répétition me vient à l'esprit avec ce nouvel enlevement.
J'entends une voix: "tu es content de toi ? "C
Cette voix je la reconnais. J'entends  clairement la voix de Dolores ! La voiture s'arrête, on m'enlève ce sac de sur la tête  et...non c'est pas possible ! Jean-pierre le proprio du moulin est là aussi. Mais c'est quoi ce merdier sans nom ? Dolores est dans la voiture à me regarder, elle est superbe et je me perds dans mes pensées en imaginant son corp se mélanger avec le mien, je me vois bien derrière elle à la bousculer de mes coups de reins. Dolores a deviné mes pensées, elle a un petit sourire et me dit : "pour ça on verra plus tard."
Je pose des questions, demande pourquoi moi et pas un autre ? 
"Bougre de con, tu va nous faire pleurer Tanget ..euh Anka ..euh Tanga" me dit en retour une des personnes présentes.
"Tu pensais t'en sortir comme ça ? Tu te crois plus malin que les autres ? "
Je dois garder mon calme et ne pas craquer, ils savent tous que je connais tout sur eux. Mais jean-pierre,quel rôle a t'il dans cette affaire ? Je suis amené au moulin, on me descend dans la pièce ou se trouve la roue à aube. Ma porte se referme, le bruit de l'eau dans la roue est irréel, je ne m'entends même pas crier. Deux heures passent quand la lourde porte en fer se rouvre, une ombre apparaît et.....nooooooooon !

jeudi 6 juin 2013

Chapitre 9 (par Amapola)

Une main se posa doucement sur l'épaule de Frédéric qui, n'ayant pas repéré l'ombre qui le suivait silencieusement, se retourna brusquement et dans un élan de panique quasi burlesque, improvisa un low kick balayette rotatif particulièrement pathétique... Et c'est bien de la pitié qu'il vit à ce moment-là dans les yeux de Dolorès qui lui saisit la cheville au passage en lui promettant d'un ton menaçant :

« Retente une connerie de ce genre avec moi et je te jure que je te pète la jambe pauvre idiot ! »

        Le goût du risque et de l'aventure qui l'avaient envahi quelques minutes auparavant disparurent brusquement. Non, ce n'était pas un homme d'action, définitivement pas. Il détestait ça d'ailleurs ! Lui, c'était l'agent 0007 à la rigueur ! Il était plutôt du genre à ne jamais sortir sans son parapluie à la vue du premier nuage gris dans le ciel, à presser le pas pour ne pas rater le début de sa série télévisée favorite, à ne pas toucher aux cacahuètes dans les bars douteux... Il n'allait pas dans les bars douteux de toutes façons !

        C'était tout cela et bien plus encore qu'il put lire dans les yeux de Dolorès à cet instant précis. Car cette femme-là voyait tout, elle comprenait tout, elle possédait la rare faculté d'analyser une situation aussi complexe soit-elle en une fraction de seconde... Une ombre. Un agent tapi dans l'ombre. Un agent secret. 007 en personne !
Elle lui lâcha alors la cheville et s'essuya la main sur le revers de sa veste comme si elle s'était salie. « Connasse ! » pensa Frédéric. Puis, cachant mal son antipathie évidente envers lui, Dolorès déclara de façon péremptoire :

« - Laisse tomber la Seat ! On reprend le tunnel !
-       Le tunnel ? Mais pourquoi ? Diego m'a dit que...
-       Laisse tomber Diego ! Pendant que vous roucouliez tous les deux, j'ai vu deux gars piéger la voiture.
-       Piéger la voiture ?
-       Tu comptes répéter tout ce que je dis comme ça ou on peut y aller avant de se prendre une balle ?
-          M'enfin... »

        Dolorès ne l'écoutait déjà plus. Elle s'était retournée et se dirigeait d'un pas vif vers le tunnel. Inutile de préciser que cette Lara Croft à moustaches commençait à bien lui taper sur le système. Mais Frédéric, en homme bien comme il faut, prenait sur lui et rongeait son frein, attendant le moment opportun pour la remettre à sa place.

« - C'était qui ces gars ?
-       Unos gilipollas de « Sendero Luminoso »
-          Sentier Lumineux... »

        Frédéric se souvint alors de ce que lui avait raconté Diego quelques minutes auparavant sur les activistes du Sentier Lumineux. Il recoupa ces informations avec ses propres connaissances sur ce groupe de mouvance marxiste qui n'hésitait pas à commettre des actes terroristes pour faire passer leur message... Et ces gens-là connaissaient la valeur des symboles ! Ce n'est pas pour rien qu'ils travaillaient à l'explosif ! S'appuyant sur la mort légendaire de l'Inkarri Tupac Amaru, ils faisaient exploser le corps de leurs victimes afin que les différentes parties de leur cadavre ne puissent se réunir et ainsi empêcher que le mort ne revienne à la vie. Et à en croire miss poils aux pattes, aujourd'hui, c'était son tour... Frédéric se demandait bien quelle connerie il avait pû faire pour se retrouver là. Il se sentait pris au piège, traqué comme une bête aux aboies et ne savait plus du tout quoi penser. En plus, il allait devoir suivre cette fille hautaine et désagréable qui s'engouffrait dans le tunnel devant lui...

        Ils parcoururent les premières minutes dans un silence total, pressant le pas. Dolorès ouvrait la marche en éclairant le sinistre passage grâce à l'option lampe torche de son portable, car il ne s'agissait pas d'un simple passage, mais d'une multitude de boyaux reliés les uns aux autres. La peur de s'y perdre et de se retrouver seul dans ce véritable labyrinthe serra la gorge de Frédéric qui faisait de son mieux pour suivre la cadence soutenue de Dolorès tout en slalomant entre les toiles d'araignée. C'est d'ailleurs en baissant la tête pour éviter l'une d'elle qu'il remarqua qu'aux intersections, entre chaque boyau, une plaque indiquait le nom de la rue se trouvant au-dessus, comme dans les égoûts de Paris qu'il avait visités l'hiver dernier avec un club de retraités.

        Après plusieurs minutes de marche, Frédéric ressentit une sensation étrange au niveau de son poignet gauche. Il regarda donc sa montre et ce qu'il découvrit le stupéfia : elle était molle ! Sa montre était molle ! Elle dégoulinait le long de son avant-bras et laissait s'échapper le temps qui tombait goutte à goutte sur le sol ! Pensant être victime d'une hallucination, il voulut appeler Dolorès, mais celle-ci se retourna d'elle-même vers lui pour vérifier qu'il la suivait toujours. La scène prit soudain une tournure encore plus surréaliste : le léger duvet ourlant les lèvres de Dolorès semblait pousser à vue d'oeil et il s'entortillait sur lui-même pour former une malicieuse moustache qui pointait curieusement vers le haut. Tel un automate aux yeux fixes et à la diction mécanique, elle articula difficilement :

« - Il y a des jours où je pense que je vais mourir d'une overdose d'autosatisfaction...
-       Comment ?
-          La beauté sera comestible ou ne sera pas ! »

        Totalement abasourdi, Frédéric avait la désagréable impression de se noyer dans une piscine de coulis de framboise, quand ses yeux tombèrent sur la plaque indiquant :

-          Plaza Gala-Salvador Dalí -


Ils se trouvaient juste au-dessous du célèbre musée...

mardi 14 mai 2013

Chapitre 8 (par Aurélie)




Alors que la tête de Diego disparaît au-delà de la pointe rocheuse, Fréderic reste sur le pas de la porte décharnée du cabanon, immobile comme une statue de marbre. Il n’a pas de temps à perdre et pourtant un sentiment le tétanise, une peur sournoise qui s’immisce jusqu’au tréfonds de ses entrailles et semble dévorer les dernières onces d’espoir qui semblaient encore s’y loger. Pourtant, une chose le rassure, sa femme et son fils se portent bien, loin de ce merdier nauséabond. Le visage d’Isabelle flotte devant ses yeux, son sourire le ravive et il se reprend. Au loin, le sentier de Rosas l’appelle.


La crique Cala Jôncols n’a pas changé, le sable y est toujours aussi blanc, la mer du même bleu qu’il y a vingt ans. Il aimerait rester ici, vivre sans se soucier du reste, des hommes en noirs, des ventes d’armes, du trafic d’enfants. Mais sa raison et son sens de la justice, le même qui lui a fait intégrer la DGSE, balayent en un instant ses envies de fuite.






Il a les réponses, il est la clé.






Mort de faim, il court jusqu’au cabanon et pousse violemment la porte. Quelques fruits, du fromage et de l’eau sont remisés dans le coin le plus sombre. Une paillasse d’algues séchées fait office de lit de fortune. Après un maigre festin, Frédérique, mort de fatigue, s’endort comme un enfant.


Peu à peu, autour de lui, les bruits de la nuit prennent d’assaut son refuge.






Alors que l’obscurité couvre encore la plage, le fugitif est réveillé par un bruit assourdissant . Une panique puissante le saisit. Par un petit trou que le temps et le sable ont sculpté dans le bois il aperçoit un hélicoptère armé. Sur son flan l’insigne de l’Armée Française. Il est perdu. S’il sort, il est cuit. S’il ne bouge pas, il sera peut-être pulvérisé. Alors qu’il fait les cent pas dans son gîte d’une nuit, un bruit sourd retient son attention. Il écarte la paille qui recouvre le sol et, dans un de ces instants qui ferait croire en Dieu, il découvre une trappe qui mène, sans doute, au-delà de la plage.


Sans réfléchir il s’y engouffre. Son possible salut lui explose le cœur, ce dernier bondit si fort dans sa poitrine qu’une vive douleur le saisit. Sans sourciller, il continue à se traîner le long de l’étroit tunnel creusé dans le sable, puis dans la roche et soudain, il débouche à plusieurs centaines de mètres de la mer, à l’orée d’un petit bois, à l’abri.


Ses pieds foulent le sol au moment où l’hélicoptère reçoit la décision de détruire le cabanon. Il sent les vibrations de l’explosion et s’imagine béni des dieux. Le goût du risque et de l’aventure envahit sa bouche et il commence à aimer cela.


Alors que quelques hommes fouillent les décombres en s’apercevant qu’aucun corps ne s’y consume, Frédérique court vers Montjoi, vers la Seat blanche, vers l’aventure de sa vie.






Heureux d'être en vie, il n’entend pas les pas de l’ombre qui le suit…

lundi 6 mai 2013

Chapitre 7 (par Jean-Luc Mercier)


Frédéric n’avait plus peur, non. C’était la colère qui l’envahissait maintenant, et cet « enfoiré » de ministre a vite compris qu’il fallait le calmer pour le moment.
Bon ! De toute manière, je saurais tout et tu vas tout me dire. Il y a quelques surprises qui t’attendent… au Fort de Bellegarde ! Ta femme va aimer, je crois, ce qu’on va lui proposer (rire). Et je suis certain que ça te rendra bavard. Vous allez faire un petit voyage… dans un joli coin, mais tu ne vas peut-être pas en profiter (rire). Dommage, c’est joli le Fort de Bellegarde, mais c’est un peu sombre dedans (rire)… mais peu importe, tu ne connais pas, bien sûr !
« Le Fort de Bellegarde ! Pauvre con » pensait Frédéric à cet instant. Bien sûr qu’il le connaissait. De l’extérieur seulement, mais plus d’une fois il était allé là-bas plus jeune. Au Perthus, juste à deux cents mètres de la frontière espagnole. Ce n’est pas le fort qu’il l’intéressait vraiment à l’époque, mais les ruines de Panissars, l’ancienne voie romaine juste à cheval sur la frontière, au niveau de la crête.
Mademoiselle Catherine, s’il vous plaît.
À l’appel du ministre, une hôtesse, une femme cette fois, apparu immédiatement, suivie de près par les deux baraqués en noir. Elle tenait un plateau dans la main.
Notre ami se sent fatigué. Il voudrait dormir.
Sans dire un mot, la femme s’approcha de Frédéric et posa le plateau sur la table entre le ministre et Frédéric. Tout ce qu’il faut pour une piqûre !
Laissez-vous faire monsieur Chanzet…
Jantet !
N’ayez pas peur, monsieur Chantet (rire) c’est juste pour dormir (rire).
Frédéric serra les dents. Que pouvait-il faire d’autre ? Tout lui paraissait irréel, la scène, ces moteurs qui vrombissaient en sourdine prêts à faire décoller l’avion, le ministre qui se levait et quittait la place, cette « infirmière » qui semblait plutôt sympathique, sa femme aux traits vieillis qui ne disait rien et n’avait pas vraiment l’air effrayé, cette porte d’avion qui se fermait et cette brume qui s’installe, qui étouffe les sons et…

*
* *

Quand il ouvre les yeux, Frédéric se croit mort, le temps de quelques secondes. Un chaud rayon de soleil l’éblouit. Il est bien, dans un nid douillet. Il est sorti du Jet et… sorti du Jet ? Il sursaute d’un coup dans le lit. Plus d’avion, plus de ministre, plus personne… Mais qu’est-ce que c’est que cette affaire ? FOU… il est fou, c’est certain. Pas mort, mais fou. FOU.

Et pourtant… ce lit, cette jolie pièce, cette lumière… il s’approche d’une fenêtre et voit un paysage superbe avec… mais oui, c’est sûr… le Canigou enneigé en toile de fond ! Existe-t-il seulement un mot pour traduire telle incrédulité et telle incompréhension ? Pourquoi était-il là ? En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’angoisse reprit le dessus. Et tout pourtant paraissait si calme ! Il se précipita de l’autre côté de la pièce, vers la fenêtre opposée. Une petite rue, un magnifique clocher en briques et pierres, surmonté d’un dôme lui-même encadré de quatre petits dômes plus petits… et la pendule qui annonce 9 h 44 ! Et cette façade étrange, là, juste de l’autre côté avec ses mosaïques et son large fronton ondulant… Il connaissait. Il était déjà venu là aussi ! Pézilla ! Oui c’est cela, Pézilla-la-Rivière ! Il avait visité plusieurs fois ce village. Mais qu’est-ce que ça signifiait ? Hasard ? Trop de hasard ! Beaucoup trop pour Frédéric en tout cas. L’avion s’était donc bien posé à Perpignan. L’aéroport n’est d’ailleurs qu’à 8 km de là. Mais pourquoi n’était-il pas au Fort de Bellegarde ? Qui l’avait mené là ?
Il cria par trois fois un « ohé… il y a quelqu’un ? », mais en vain. Subitement comme un excité, il voulut comprendre et sillonna les trois niveaux de la maison dans tous les sens, même le jardinet. Rien ! Personne ! Il refit le tour, cria à nouveau… rien. Une superbe bâtisse des années 1900, parfaitement dans son jus, avec du beau mobilier, de beaux carrelages anciens, une verrière… mais vide ! À moins que les gens se soient absentés quelques instants en pensant qu’il dormait. Il vaudrait mieux vite partir, pensa-t-il. Il faillit quitter la maison, mais se ravisa. Son blouson ! Il avait dû le laisser dans la chambre. Vite remonté au premier, il remarqua sur la large commode une grande enveloppe, dressée bien en évidence juste à côté de son blouson posé sur une chaise. Cela lui avait échappé, dans un premier temps.
Il l’attrapa et l’ouvrit : de l’argent, dix billets de 50 € ! Une clé de voiture ! Et une feuille pliée en deux qu’il s’empressa de déployer. Message bref dactylographié : « Prenez l’argent. Il y a une Ford fiesta vert sombre immatriculée AGD 66 garée face nord de l’église. Prenez là et quittez au plus vite les lieux. RDV à la Casa Museu Salvador Dali, Cadaquès, 14 h 50, impérativement. N’ayez pas peur. On est là pour vous aider. Il y a de quoi boire et manger dans la voiture. Soyez discret et évitez les grandes routes ».
Pas de signature évidemment. Il prit son blouson, l’argent, la clé, la lettre et partit très vite vers l’église. Il n’a vu qu’une vieille dame au coin de la rue qui n’a même pas levé le nez en le croisant. Tant mieux. La voiture est là ; la clé ouvre bien la portière et entre dans le contact. Frédéric hésite un instant. « Et si je m’enfuyais » pensait-il à ce moment. Fuir. Fuir. Tout stopper. Mais en même temps… fuir pour aller où ! Et qui lui « veut du bien » ?
Finalement, il décide d’aller à ce rendez-vous. Il reprend la lettre pour la relire, mais oh ! Le texte est tout pâle ! De l’encre sympathique, à tous les coups, qui s’efface à la lumière. Il relit vite le message pour l’enregistrer, puis le relit une dernière fois et démarre.
Venir jusqu’à Cadaqués ne fut pas des plus aisé, car pas question de prendre la classique route d’Espagne, ni par la nationale, ni par l’autoroute. Trop risqué. Surtout qu’elles passent toutes les deux au pied du Fort de Bellegarde, justement ! C’est donc par les petites routes que Frédéric s’y rendit. Passé Perpignan, il choisit de partir vers l’Est, de s’approcher de la côte puis de rejoindre l’Espagne en prenant les chemins inverses que ceux qu’empruntèrent des dizaines de milliers de personnes fuyant le franquisme en 1939 après la chute de Barcelone. Sur les hauteurs des Albères, il passa ainsi le goulot d’étranglement côtier en empruntant la route Madeloc puis celle du Mas Reig avant de rejoindre enfin le discret col de Banyuls. Des paysages sublimes qui l’apaisaient, souvenirs d’été sublimes vers 18-20 ans, même si ici l’Histoire fut douloureuse. Une plaque la commémore d’ailleurs, dans ce lieu très isolé.
Comme prévu, il fut presque seul sur ces petites routes. Côté espagnol, c’était du billard : Espolla, Garriguella, Vilajuïga, Sant Pere de Rodes… aucun risque de se faire prendre, sauf peut-être au passage obligé, par ce côté, au niveau d’El Port de la Selva !
La tranquillité de ces petites routes lui laissait le temps de se demander qui avait pu lui envoyer ce message, et pourquoi ce rendez-vous en Catalogne à la Maison Dali, à Cadaqués. Qui pouvait savoir qu’il connaissait ces lieux… Hasard ? Il n’y croyait toujours pas et l’angoisse montait en lui. À quoi devait-il s’attendre ? Finalement, rien ne semblait anormal sur ces routes. Frédéric ne se sentait ni repéré ni suivi et s’engagea sur la petite voie du sud pour franchir les quelques sommets qui le séparaient du lieu de rendez-vous.
À l’entrée de Cadaqués il bifurqua vers la route du Cap de Creus jusqu’à Port Ligua. « Bon sang que c’est beau » ne put-il s’empêcher de penser. Mieux, les lieux sont sublimes, mais pas le temps de s’attarder. Pourtant, la splendeur des lieux lui faisait un bien fou. Il lui semblait enfin revivre un peu. Toutes les tensions et angoisses de ces derniers temps laissaient place à un certain repos de l’esprit… tout relatif quand même. 14 h 40, il se gare à deux pas des vagues. Il n’a plus que dix minutes pour rejoindre à pied par la plage la Casa Museu Salvador Dali, une maison les pieds dans l’eau, rien que ça. L’artiste ne s’était pas installé dans le coin le plus moche, en son époque ! Arrivé devant la porte de la maison musée et avant même qu’il ait le temps de la pousser, un « psttt » l’interpelle dans la seule petite venelle des lieux. Une ombre furtive dépose quelque chose sur un muret bas… une main au soleil et un corps voilé de noir à l’ombre, qui disparaissent !
Frédéric est tout à la fois inquiet et rassuré. Rassuré surtout parce qu’au moins, là, il ne se fera pas agresser. Passés les vingt mètres qui le séparent du muret, il découvre un papier plié et attaché sous une pierre plate. Vite ouvert, juste une phrase : « 15h20 à Cadaqués - angle Avinguda Caritat Serinyana et Carrer Nou ». Ni en catalan, ni en espagnol, ni en français ! « Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel » pensa Frédéric franchement inquiet ; la peur revenait. Qui allait-il rencontrer ? Nœud aux tripes, il repartit vite en sens inverse… la plage, la voiture, Cadaqués. Pas de temps à perdre.
Heureusement, à cette époque, pas un touriste. Juste quelques ombres furtives. Il se gare un peu à distance près du carrefour du rendez-vous. Il connaît les lieux, il est venu plusieurs fois à l’hôtel Calina, non loin et repère vite l’angle des deux rues. D’un regard le plus synoptique possible, il embrasse les lieux, debout contre un mur un peu à distance, à l’ombre.. Encore trois minutes à attendre. D’un coup une grosse voiture noire arrive en trombe et pile nette en travers de la seule route de sortie de Cadaqués, à moins de 50 m de là. Cette voiture… il l’a déjà vu, sans trop y faire attention ! Une Dodge NITRO, un V6, une sorte de monstre que le subconscient enregistre dans un coin de mémoire… Mais oui, c’était la même qui était partie en trombe quand il est arrivé chez lui dans le XVIe, pour trouver son patron mort ou comme tel.
Pas le temps de rêvasser ; quatre hommes en noir sortent précipitamment de la Dodge. Le plus petit, un roquet, lance alors aux trois autres, sans doute ses pit-bulls « Tráeme a ese cabrón, ¡rápido! ». Oh putain !!! c’est reparti. Ce coup-ci ils veulent sa peau… il a compris. Frédéric sait qu’il n’a pas été vu, pas encore, et il s’enfuit déjà. Il n’a plus qu’à tenter de se perdre dans les ruelles. Heureusement, adepte d’une vie tranquille il n’en reste pas moins très vif et réactif. Il part de toutes ses jambes dans le vieux Cadaqués. À droite, à gauche, encore à gauche, le raidillon rocheux entre les maisons… à nouveau à droite… pas le temps de souffrir. Carrer del Portal d’Amunt ! Vite, il faut qu’il passe Santa Maria, l’église. Après il sait où se planquer, si l’endroit existe toujours. Ça monte. Presque à bout de souffle, il s’approche enfin du lieu de culte. Mais… mais… oh putain il est poursuivi, quelqu’un le suit ! Santa Maria… vite. Merde !!! Droite ? Gauche ? Trou de mémoire ! L’impasse… à droite ou à gauche ? Plus le temps de réfléchir… gauche.
Raté ! C’est l’impasse. Alors qu’il se sent déjà transpercé par les balles qui vont inévitablement le tuer, une main se plaque contre sa bouche et un bras le retourne brutalement.
NON !!!
La main s’écarte de la bouche...
« DIEGO ! (…) Mais… mais qu’est-ce que tu fous là ? » « Chutttt ! Déshabille-toi » « Mais ça va pas ! Tu… », « Chuttt ! Moins fort. Attend, c’est ton blouson… jette ton blouson et souis-moi, vite ». « Mais pourquoi ? J’ai… », « Fais cé qué jé té dis. Ils ont mis un mouchard dans ton col dé blouson. Cé pour ça qu’ils sont là. Vite ! Souis-moi ».
Frédéric comprend de moins en moins. Mais enfin, qui est qui ? Qui veut quoi ? Et Diego maintenant… Frédéric veut savoir, il en a marre, il veut comprendre, mais il ne peut pas. Diego est déjà reparti en courant. Vite il prend l’argent, la clé, la feuille devenue blanche et laisse son blouson au sol. Maintenant il doit le suivre. Il n’a pas le choix.

*
* *

Vingt minutes déjà qu’ils sont là, tous les deux dans la presque obscurité, serrés dans un petit cabanon sur la Carre Sant Pius V, juste avant la pointe rocheuse tout au sud de Cadaqués. Interdiction de parler. Pas un bruit. Diego a été formel. Il surveille l’horizon par un petit espace entre les lames de bois et se rassure de ne voir personne venir dans cette direction depuis le village. Mais Frédéric n’a plus envie de parler. Il ne comprend rien, mais il sait maintenant que Diego n’est pas contre lui, mais avec lui et qu’il lui veut du bien.
Diego !… du bien ! Frédéric est troublé, ému, perturbé… Là, maintenant, la chaleur et la puissance de ce corps de dieu collé contre lui réveillent immédiatement des émois qu’il croyait à jamais enfouis. Diego ! Toujours aussi baraqué, charmeur comme pas deux, gueule carrée au sourire ravageur, qui ravage tout, même l’hétéro de service.
Frédéric ne peut s’empêcher de se souvenir comment il s’est fait piéger par ce Diego-là. La seule fois de sa vie… mais quelle fois ! Oh putain ! Randonneur solitaire en cette fin d’été, alors qu’il suivait le chemin côtier de Roses à Cadaqués, il fut pris d’un malaise, des nausées violentes. Trop chaud, pas de vent, l’insolation sûrement. Presque complètement dans les vapes, replié à l’ombre d’un chêne-liège rabougri, souillé à force de dégueuler… un gaillard jeune et radieux, très souriant, lui apparut dans les brumes ! Le gars a vite compris, et dans un putain d’accent ensoleillé lui a dit de se laisser faire. C’était Diego, qui le porta dans ses bras et dévala la pente jusqu’à la mer pour le plonger doucement dans l’eau. Une demi-heure après… deux mecs à poil qui baisaient comme des bêtes dans une eau sublime. L’un plus que ravi, car plus gay que le plus gay des homos, l’autre complètement honteux, mais franchement en plein délire, surtout après les quelques sniffettes de poppers que le très stratège Diego lui avait soumis pour le désinhiber ! Bref… une fois, une seule, enfin… 10 fois, mais d’affilée… jusqu’au lendemain après-midi suivant, mais Wouaououhhh !!!
« Jé sens qué tou n’a pas oublié ».
Frédéric sursauta et se sentit soudainement très con ! Ah c’était bien le moment, se laisser envahir par des souvenirs très… Diego ouvrit la porte du cabanon et sourit largement en voyant la tronche déconfite du fugitif amant d’autrefois, et le tissu trop tendu.
« Excuse-moi… Excuse-moi… Je » « Ma dé quoi tou veux que jé t’excouse, s’esclaffa Diego en riant… moi j’aime tou sé, j’aime beaucoup beaucoup… beau gosse ! À presqué quarante ans tou es peut-être même plou sexy qu’à 20 (rire) »
Diego, je t’en prie, aide-moi, je suis dans la merde.
Oui, jé vois, tou bandes !
Arrête... c’est pas le moment. Je suis vraiment dans la merde.
Jé sais. C’est pourquoi jé souis là. N’empêche tou débandes pas (rires).
Mais comment tu sais ? Avec qui tu es ? Tu me veux quoi ? Qui t’envoie ?
Jé veux baiser avec toi (rires).
Arrête, je ne sais pas pourquoi je bande.
Mais si, mais si (rires) en plous tou à la tête du mec qu’a pas baisé dépouis longtemps (rires) té tout congestionné (rires)… et çà m’excite aussi (rires toujours… mais à l’évidence Diego était soudainement aussi bien excité !).
Fais chier ! Diego chui pas pédé.
Moi non plou. J’aime pas lé pétits garçons, j’aime qué les mecs (rires). Jé souis pas pédé, jé souis gay (rire), mais né t’inquièté pas, cé né pas le moment… on verra ça plous tard, hélas. On est dou même bord, jé souis aussi dé la DGSE.
TOI ! À la DGSE !
Eh oui. Presqué dépouis qué jé té rencontré ! Toi tou es à l’Exploitation dou renseignement et moi jé souis dans les Opérations clandestines. Et en plous… jé souis plou gradé qué toi (rire). J’ai fait Centrale à Paris moi, tandis qué toi tou né qu’ouné pétite ingénieur dou traitement d’infos (rire). Tou voi jé connais tou dé toi. Jé né té jamais perdou dé vou. Mais jé t’en ai déjà trop dit.
— Et comment tu as su pour moi, maintenant ?
— C’est Paul dou service interne des fraudes de la DGSE  qui m’a prévenou. Jé crois pas qué tou lé connais… il avait des soupçons à propos dou ministre et de ses collaborateurs de la défense, il a ou vent par quelqué dénonciations. Il té sourveillait car il savait qué tu bossais sour cé dossier là et qué tou allait nécessairément trouver des choses. Il a vite compris et il m’a contacté. Jé travaille souvent pour loui. Alors j’ai fait jouer mes indics et jé té rétrouvé. 
— Mais le Jet, le ministre, ma femme Isabelle ? J’ai pas rêvé, je…
— Ta femme ! Non, ce n’était pas elle, mais ouné photocopie.
— Une photocopie ! Tu veux dire un sosie ?
— Oui, si tou veux. Jé né mé souvénais plou dou mot. Cé pas ta femme. Aux dernières nouvelles elle vit à Londres, avec ton fils. Et jé crois qué tou né les intéresse plou beaucoup. Mais jé né pas lé temps dé parler dé tout ça maintenant. Cé comme l’autre Frédéric Jantet qu’ils ont montré à la télé. Il n’existe pas. Ils ont voulu té faire témoigner à ta place et laisser croire que tou avais ounén frère joumeau qui a assassiné ou tenté d’assassiner lé ministre.
— C’est pour ça qu’ils n’ont pas cité mon prénom à la télé, mais ont juste dit « Jantet, le frère de Frédéric Jantet » ?
— Exact. Pas question dé dévoiler qué cé lé bordel à la DGSE ! Et d’ailleurs, tou a vou, ils ont été proudants avec lé ministre… ils n’ont pas dit qu’il était mort, mais qu’il a été rétrouvé sauvagément agressé dans un logément parisien. Ils en parlent lé moins possible d’ailleurs, alors qué ça devrait passer en boucle !
— N’empêche, cet enfoiré, je l’ai bien vu dans l’avion. Il est où ? Et les autres ? Et l’avion ?
— Tou poses trop dé questions. Celle qui t’a fait la piqoure cé ouné infiltrée, par la DGSE. Lé ministre il n’ai pas vénou. Il est resté à Paris. Cé pas loui qui fait lé tortoures et…
— Tortures ? Quelles tortures ?
— Qu’est-ce qué tou crois qu’ils allaient té faire à Bellegarde. Bref, Marianne, enfin… Cathérine elle t’a fait ouné forte dose de somnifère pour qué tou né té rendé compté dé rien pendant ouné bon moment. Et à l’atterrissage, elle a gazé la cabine pour qué lé molosses tombent dans les choux.
— Et après ?
— Lé pétit comité d’accueil t’a récoupéré et emméné chez nos collaborateurs. Tou sais, l’aéroport dé Perpignan c’est ouné aéroport comme au Zimbabwé (rire). Quand tou sort dé l’’avion tou té rétrouvé à pied sour lé tarmac. Alors, quand l’avion est derrière l’aéroport… ni vou ni connou… ouné complice à la tour dé contrôle et tou sort sans passé par l’aérogare. Après, j’ai pensé qué tou serais bien à Pézilla, jé prends soin dé toi (rire). Ni vou, ni connou, non plous (rire), sauf qué tou avais ouné mouchard sour toi et qué tou a dé la chance qu’ils né t’ ont pas rétrouvé trop vite. Ils dévaient être sacrément sonnés pour né pas avoir pou té suivre aussitôt (rire). Bon, assez parlé. Tou vois cé moi qui est méné la danse, mais jé né savais pas qué les autres allaient té trouver si vite. Quand jé les ai vou débarqué à Cadaqués, jé mé souis planqué en attendant qué tou té sauves. Et voilà, jé té rattrappé. Mainténant ils doivent fouiller touté les rouelles et lé maisons.
Et pourquoi m’avoir envoyé chez Dali.
Ouné précautione. Dolorès est oune bonne filtre et…
Dolorès, c’est l’ombre que j’ai entrevue ?
Oui. Si oune autre personne s’était pointé à ta place, il y avait un pétit comité pour lé récévoir. C’est facile là-bas. Couic… piégé !
Et on fait quoi maintenant ?
On baise !
Mais…
Non jé rigole. Jé pensais pas être emmerdé ici, mais tou va té barré sans problème, à pied.
Mais la bagnole.
On s’en fout dé la bagnole. Tou va prendre lé sentier dé Rosas, là. Tou connais. Mais tou t’ arrêtes à la Cala Jôncols. Tou té souviens. Jé souis sour qu’ils né connaissent pas cé sentier.
Euh la Cala Jôncols dans la crique, c’est là où…
Eh oui… qué jé té montré cé qué cé vraiment baiser (rires). Tiens voilà la clé dou cabanon du bout dé la plage. Il y a dé quoi manger et dormir. Demain, tou pars tôt, tou dois réjoindre Montjoi, tou sé lé point dé vou qu’il y a avant Roses. Là tou trouvéras ouné voitoure, ouné Seat blanche, les clés sont sous la pierre derrière lé troisième gros pin au nord. Dedans sous lé siège il y a touté les instrucziones. Et lé billet d’avion. Et dé dévises.
Mais..
Tais-toi, gueule d’amour ! Tou dois être à Barcelona pour l’embarquement à 17 h. On sé rétrouve dans trois jours à 15 heures au Dixit Bar, c’est jouste au soud-ouest dou palais présidentiel sour la Vaggeplein.
Mais c’est où, ça ?
Rétiens bien Dixit Bar, 15 h, Vaggeplein. C’est à Paramaribo.
PARAMA…
—… RIBO, oui ! Au Souriname ! C’est bien là qué tou a trouvé lé point dé choute dé l’essentiel des armes, non ! Lé Proche-Orient cé qué dés la façade, tou lé sait. Joust’ouné plaqué tournante. Jé crois qu’il y a des ramifications avec la Colombie et peut-être les branches armées dou Sentier Loumineux dou Pérou.
— Tu ne sais pas tout, Diégo. Le problème est surtout en lien avec l’orpaillage sauvage en Guyane, de l’autre côté du Maroni. Tu sais que la plupart des garimpeiros qui travaillent illégalement pour l’exploitation de l’or sont des clandestins brésiliens ou du Suriname. Je sais que la vente des armes va en grande partie aux orpailleurs et l’argent sert en particulier à l’achat des enfants, garçons et filles. Échange de bons principes : le silence sur l’orpaillage plus la vente d’armes contre les gamins et 20% des ventes d’or. Mais c’est avec à vérifier. Il faut qu’on sache. Car c’est sous couvert du ministre. Ce n’est pas pour rien que les opérations Anaconda donnent si peu de résultats.
— Jé né savais pas pour les enfants. À plous forte raison pour qué la DGSE intervienne. On a des appouis. Ces gamins… c’est terrible, qu’est-ce qu’on va trouver ?
— Mais la DGSE n’intervient pas là-bas ! Notre spectre d’action s’étend d’abord du golfe de Guinée à la chaîne de l’Himalaya ! On ne sera pas soutenu.
— Tstt, tstt… Faux ! La DGSE c’est nous, non ! Et la « Boîte » est sour tous les fronts, tout lé sait. « Partout où nécessité fait loi », cé la dévise non ! Jé déjà les accords en amont et dé bons indics pour trouver des témoins là-bas, ma il faut qué tou puisses leur donner quelqués infos sour ce qué tou a trouvé pour qu’ils nous emmènent où il faut.
Non, mais arrête, tu déconnes ! Ce que j’ai trouvé, ce que j’ai trouvé… Je ne suis pas James Bond moi. Putain, j’ai rien demandé.
Non, mais tou as trouvé (rire). T’inquiètes, jé t’expliquérais tou là-bas.
Mais ils parlent le néerlandais là-bas !
T’inquiètes, jé té dis. Mes contacts parlent aussi anglais, espagnols et même français pour certains. Pas d’excouses (rire).
Mais Diego… c’est une blague. Je ne veux pas partir, je veux retrouver un chez moi.
Tou parles ! Déjà tou né peux pas, tou lé sais, et en plous, pas dé femme qui t’attend… tant mieux pour moi (rires), plou d’amis non plou… Et pouis té dans la merde, alors on va s’en sortir. Tiens, tou né bandes plous ! (rires) Bon J’y vais, jé dois m’occouper dou roquet et des molosses… ça va péter (rires) jé té lé dis. Dommage pour lé V6. La Dodge NITRO va sé transformer en Dodge NITROglycérine (rires). Va vite.
Diego ! Mais tu vas tuer ces mecs ?
— S’ils sont trop près dé la voitoure tant pis pour eux (rire). Moi jé né toue personne directement… en général (rire). En plous, ils sé sont déjà entrétoué en sortant dé l’aéroport à cé qué ma dit Cathérine. Deux morts… cé pas moi, pour ouné fois (rire). On dira qué cé la mafia.
— Diego !
— Non, mainténant va vite !
— Diego !
Va !
Diego !
Dis… au fait, à Paramaribo on baisera hein ! tou mé dois bien ça (rires), dit il en mettant la main au paquet de Frédéric.
Mais…
Pas dé, mais, jé souis sour qué tou va encore aimer (rires) jé vé pas té laisser tout constipé dé la castagnette (rires) et pouis, les poutains, au Sourinamec’est pas très sain (rires).
Mais tu me plantes là ?
Sí señor… adiós mi hermoso amor, répondit Diégo en s’éloignant déjà.