Une bouffée d'angoisse le
saisit lui provoquant un besoin d'espace, de grand air, immaîtrisable qui le
pousse à sortir de ce bar. Frédéric règle l'addition, la tête déjà à
l’extérieur, il est concentré sur la porte de sortie, son but ultime. Ses mains
tremblent, sans qu'il ne puisse les contrôler, faisant teinter les quelques
pièces de monnaie sur le zinc.
À peine est-il arrivé à
l'extérieur qu’il happe l'air à grande goulée. La nuit l’enveloppe, il marche
vite sur le trottoir éclairé par les réverbères, dévisageant les passants par
crainte d'être reconnu. Le café bu quelques minutes plus tôt lui reste en
travers de la gorge. Il avance sans but précis, les idées tourbillonnent dans
sa tête, mais aucune ne le satisfait. Pourtant, il sait que ce sont les premières
heures qui détermineront la réussite de sa fuite. Il lui reste peu de temps, il
doit agir vite. Par manque de concentration, il se prend les pieds dans une
plaque d'égout et chute violemment au sol. Alors qu'il ne comprend pas ce qui
vient de lui arriver, il sent deux bras virils l'aider à se relever. Il
remercie tout en époussetant ses vêtements malmenés. Mais la personne qui lui
est venue en aide ne le lâche pas, le pousse en avant sans ménagement pour
l'obliger à marcher, le pressant plus fort au niveau du bras.
-
Pas un mot. Tu marches. Si tu cries, tu es mort.
Avant qu'il n'ait le temps de
comprendre quoi que ce soit, on le projette à l'arrière d'une camionnette. Il
atterrit sans ménagement sur la banquette, encadré par deux hommes en treillis
noirs. Deux autres sont assis à l'avant. Le véhicule démarre en trombe et se
fraye un passage dans la circulation en prenant des risques, slalomant entre
les files de voitures. En réponse, les automobilistes le klaxonnent, mais le
conducteur reste impassible, hermétique aux conséquences de sa conduite.
Le passager avant reçoit un
appel auquel il s'empresse de répondre.
-
Le paquet a été réceptionné, son acheminement est en cours. Prévenir
le comité d'accueil.
Aucun des occupants ne donne un
signe d'intérêt pour Frédéric qui essaye de reconnaître l’accent de ses
ravisseurs.
La camionnette sort de la
capitale et se dirige à toute vitesse en direction de la province. Pendant deux
heures, le silence sera de mise, personne ne le rompt, la tension est palpable,
l’angoisse tétanise Frédéric. Il n’a aucune chance de s’échapper, il doit se
résigner à son statut d’otage.
Puis, le véhicule sort de
l’autoroute, emprunte une nationale pendant une vingtaine de minutes. Il est
pas loin de 23 heures lorsque celui-ci s’approche d’un immense portail gardé
par deux colosses. Un hangar se dessine au loin, mais le regard de Frédéric se
fige sur un petit jet prêt au décollage vers lequel fonce la camionnette.
-
On va faire un tour dans les airs,
bouge-toi.