Une main se posa doucement sur l'épaule de
Frédéric qui, n'ayant pas repéré l'ombre qui le suivait silencieusement, se
retourna brusquement et dans un élan de panique quasi burlesque, improvisa un
low kick balayette rotatif particulièrement pathétique... Et c'est bien de la
pitié qu'il vit à ce moment-là dans les yeux de Dolorès qui lui saisit la
cheville au passage en lui promettant d'un ton menaçant :
« Retente une connerie de ce genre avec moi et je
te jure que je te pète la jambe pauvre idiot ! »
Le
goût du risque et de l'aventure qui l'avaient envahi quelques minutes
auparavant disparurent brusquement. Non, ce n'était pas un homme d'action,
définitivement pas. Il détestait ça d'ailleurs ! Lui, c'était l'agent 0007
à la rigueur ! Il était plutôt du genre à ne jamais sortir sans son
parapluie à la vue du premier nuage gris dans le ciel, à presser le pas pour ne
pas rater le début de sa série télévisée favorite, à ne pas toucher aux cacahuètes
dans les bars douteux... Il n'allait pas dans les bars douteux de toutes
façons !
C'était
tout cela et bien plus encore qu'il put lire dans les yeux de Dolorès à cet
instant précis. Car cette femme-là voyait tout, elle comprenait tout, elle possédait
la rare faculté d'analyser une situation aussi complexe soit-elle en une
fraction de seconde... Une ombre. Un agent tapi dans l'ombre. Un agent secret.
007 en personne !
Elle lui lâcha alors la cheville et s'essuya la
main sur le revers de sa veste comme si elle s'était salie.
« Connasse ! » pensa Frédéric. Puis, cachant mal son antipathie
évidente envers lui, Dolorès déclara de façon péremptoire :
« - Laisse tomber la Seat ! On reprend
le tunnel !
- Le
tunnel ? Mais pourquoi ? Diego m'a dit que...
- Laisse
tomber Diego ! Pendant que vous roucouliez tous les deux, j'ai vu deux
gars piéger la voiture.
- Piéger la
voiture ?
- Tu comptes
répéter tout ce que je dis comme ça ou on peut y aller avant de se prendre une
balle ?
-
M'enfin... »
Dolorès
ne l'écoutait déjà plus. Elle s'était retournée et se dirigeait d'un pas vif
vers le tunnel. Inutile de préciser que cette Lara Croft à moustaches
commençait à bien lui taper sur le système. Mais Frédéric, en homme bien comme
il faut, prenait sur lui et rongeait son frein, attendant le moment opportun
pour la remettre à sa place.
« - C'était qui ces gars ?
- Unos
gilipollas de « Sendero Luminoso »
-
Sentier Lumineux... »
Frédéric
se souvint alors de ce que lui avait raconté Diego quelques minutes auparavant
sur les activistes du Sentier Lumineux. Il recoupa ces informations avec ses
propres connaissances sur ce groupe de mouvance marxiste qui n'hésitait pas à
commettre des actes terroristes pour faire passer leur message... Et ces
gens-là connaissaient la valeur des symboles ! Ce n'est pas pour rien
qu'ils travaillaient à l'explosif ! S'appuyant sur la mort légendaire de
l'Inkarri Tupac Amaru, ils faisaient exploser le corps de leurs victimes afin
que les différentes parties de leur cadavre ne puissent se réunir et ainsi empêcher
que le mort ne revienne à la vie. Et à en croire miss poils aux pattes,
aujourd'hui, c'était son tour... Frédéric se demandait bien quelle connerie il
avait pû faire pour se retrouver là. Il se sentait pris au piège, traqué comme
une bête aux aboies et ne savait plus du tout quoi penser. En plus, il allait
devoir suivre cette fille hautaine et désagréable qui s'engouffrait dans le
tunnel devant lui...
Ils
parcoururent les premières minutes dans un silence total, pressant le pas.
Dolorès ouvrait la marche en éclairant le sinistre passage grâce à l'option
lampe torche de son portable, car il ne s'agissait pas d'un simple passage,
mais d'une multitude de boyaux reliés les uns aux autres. La peur de s'y perdre
et de se retrouver seul dans ce véritable labyrinthe serra la gorge de Frédéric
qui faisait de son mieux pour suivre la cadence soutenue de Dolorès tout en
slalomant entre les toiles d'araignée. C'est d'ailleurs en baissant la tête
pour éviter l'une d'elle qu'il remarqua qu'aux intersections, entre chaque
boyau, une plaque indiquait le nom de la rue se trouvant au-dessus, comme dans
les égoûts de Paris qu'il avait visités l'hiver dernier avec un club de
retraités.
Après
plusieurs minutes de marche, Frédéric ressentit une sensation étrange au niveau
de son poignet gauche. Il regarda donc sa montre et ce qu'il découvrit le
stupéfia : elle était molle ! Sa montre était molle ! Elle
dégoulinait le long de son avant-bras et laissait s'échapper le temps qui
tombait goutte à goutte sur le sol ! Pensant être victime d'une
hallucination, il voulut appeler Dolorès, mais celle-ci se retourna d'elle-même
vers lui pour vérifier qu'il la suivait toujours. La scène prit soudain une
tournure encore plus surréaliste : le léger duvet ourlant les lèvres de
Dolorès semblait pousser à vue d'oeil et il s'entortillait sur lui-même pour
former une malicieuse moustache qui pointait curieusement vers le haut. Tel un
automate aux yeux fixes et à la diction mécanique, elle articula
difficilement :
« - Il y a des jours où je pense que je vais
mourir d'une overdose d'autosatisfaction...
- Comment ?
-
La beauté sera comestible ou ne sera
pas ! »
Totalement
abasourdi, Frédéric avait la désagréable impression de se noyer dans une
piscine de coulis de framboise, quand ses yeux tombèrent sur la plaque
indiquant :
-
Plaza Gala-Salvador Dalí -
Ils se trouvaient juste au-dessous du célèbre
musée...
Et bien... quelle épopée :-))et quel retournement de situation. L'aventure prend une toute autre dimension, et le coup de la montre... il fallait bien ça pour passer de Montjoi/Roses au centre ville de Figueres ou se trouve la Plaza Gala-Salvador Dali :-))
RépondreSupprimerAh-ah, lecture de ce soir... mon tour approche !!!
RépondreSupprimerOui, oui, joli le coup de la montre... A part cela, faudrait que cela se dénoue un peu, à part les scènes d'action : il ne se passe pas grand chose !
RépondreSupprimer