jeudi 6 juin 2013

Chapitre 9 (par Amapola)

Une main se posa doucement sur l'épaule de Frédéric qui, n'ayant pas repéré l'ombre qui le suivait silencieusement, se retourna brusquement et dans un élan de panique quasi burlesque, improvisa un low kick balayette rotatif particulièrement pathétique... Et c'est bien de la pitié qu'il vit à ce moment-là dans les yeux de Dolorès qui lui saisit la cheville au passage en lui promettant d'un ton menaçant :

« Retente une connerie de ce genre avec moi et je te jure que je te pète la jambe pauvre idiot ! »

        Le goût du risque et de l'aventure qui l'avaient envahi quelques minutes auparavant disparurent brusquement. Non, ce n'était pas un homme d'action, définitivement pas. Il détestait ça d'ailleurs ! Lui, c'était l'agent 0007 à la rigueur ! Il était plutôt du genre à ne jamais sortir sans son parapluie à la vue du premier nuage gris dans le ciel, à presser le pas pour ne pas rater le début de sa série télévisée favorite, à ne pas toucher aux cacahuètes dans les bars douteux... Il n'allait pas dans les bars douteux de toutes façons !

        C'était tout cela et bien plus encore qu'il put lire dans les yeux de Dolorès à cet instant précis. Car cette femme-là voyait tout, elle comprenait tout, elle possédait la rare faculté d'analyser une situation aussi complexe soit-elle en une fraction de seconde... Une ombre. Un agent tapi dans l'ombre. Un agent secret. 007 en personne !
Elle lui lâcha alors la cheville et s'essuya la main sur le revers de sa veste comme si elle s'était salie. « Connasse ! » pensa Frédéric. Puis, cachant mal son antipathie évidente envers lui, Dolorès déclara de façon péremptoire :

« - Laisse tomber la Seat ! On reprend le tunnel !
-       Le tunnel ? Mais pourquoi ? Diego m'a dit que...
-       Laisse tomber Diego ! Pendant que vous roucouliez tous les deux, j'ai vu deux gars piéger la voiture.
-       Piéger la voiture ?
-       Tu comptes répéter tout ce que je dis comme ça ou on peut y aller avant de se prendre une balle ?
-          M'enfin... »

        Dolorès ne l'écoutait déjà plus. Elle s'était retournée et se dirigeait d'un pas vif vers le tunnel. Inutile de préciser que cette Lara Croft à moustaches commençait à bien lui taper sur le système. Mais Frédéric, en homme bien comme il faut, prenait sur lui et rongeait son frein, attendant le moment opportun pour la remettre à sa place.

« - C'était qui ces gars ?
-       Unos gilipollas de « Sendero Luminoso »
-          Sentier Lumineux... »

        Frédéric se souvint alors de ce que lui avait raconté Diego quelques minutes auparavant sur les activistes du Sentier Lumineux. Il recoupa ces informations avec ses propres connaissances sur ce groupe de mouvance marxiste qui n'hésitait pas à commettre des actes terroristes pour faire passer leur message... Et ces gens-là connaissaient la valeur des symboles ! Ce n'est pas pour rien qu'ils travaillaient à l'explosif ! S'appuyant sur la mort légendaire de l'Inkarri Tupac Amaru, ils faisaient exploser le corps de leurs victimes afin que les différentes parties de leur cadavre ne puissent se réunir et ainsi empêcher que le mort ne revienne à la vie. Et à en croire miss poils aux pattes, aujourd'hui, c'était son tour... Frédéric se demandait bien quelle connerie il avait pû faire pour se retrouver là. Il se sentait pris au piège, traqué comme une bête aux aboies et ne savait plus du tout quoi penser. En plus, il allait devoir suivre cette fille hautaine et désagréable qui s'engouffrait dans le tunnel devant lui...

        Ils parcoururent les premières minutes dans un silence total, pressant le pas. Dolorès ouvrait la marche en éclairant le sinistre passage grâce à l'option lampe torche de son portable, car il ne s'agissait pas d'un simple passage, mais d'une multitude de boyaux reliés les uns aux autres. La peur de s'y perdre et de se retrouver seul dans ce véritable labyrinthe serra la gorge de Frédéric qui faisait de son mieux pour suivre la cadence soutenue de Dolorès tout en slalomant entre les toiles d'araignée. C'est d'ailleurs en baissant la tête pour éviter l'une d'elle qu'il remarqua qu'aux intersections, entre chaque boyau, une plaque indiquait le nom de la rue se trouvant au-dessus, comme dans les égoûts de Paris qu'il avait visités l'hiver dernier avec un club de retraités.

        Après plusieurs minutes de marche, Frédéric ressentit une sensation étrange au niveau de son poignet gauche. Il regarda donc sa montre et ce qu'il découvrit le stupéfia : elle était molle ! Sa montre était molle ! Elle dégoulinait le long de son avant-bras et laissait s'échapper le temps qui tombait goutte à goutte sur le sol ! Pensant être victime d'une hallucination, il voulut appeler Dolorès, mais celle-ci se retourna d'elle-même vers lui pour vérifier qu'il la suivait toujours. La scène prit soudain une tournure encore plus surréaliste : le léger duvet ourlant les lèvres de Dolorès semblait pousser à vue d'oeil et il s'entortillait sur lui-même pour former une malicieuse moustache qui pointait curieusement vers le haut. Tel un automate aux yeux fixes et à la diction mécanique, elle articula difficilement :

« - Il y a des jours où je pense que je vais mourir d'une overdose d'autosatisfaction...
-       Comment ?
-          La beauté sera comestible ou ne sera pas ! »

        Totalement abasourdi, Frédéric avait la désagréable impression de se noyer dans une piscine de coulis de framboise, quand ses yeux tombèrent sur la plaque indiquant :

-          Plaza Gala-Salvador Dalí -


Ils se trouvaient juste au-dessous du célèbre musée...

3 commentaires:

  1. Et bien... quelle épopée :-))et quel retournement de situation. L'aventure prend une toute autre dimension, et le coup de la montre... il fallait bien ça pour passer de Montjoi/Roses au centre ville de Figueres ou se trouve la Plaza Gala-Salvador Dali :-))

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  2. Ah-ah, lecture de ce soir... mon tour approche !!!

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  3. Oui, oui, joli le coup de la montre... A part cela, faudrait que cela se dénoue un peu, à part les scènes d'action : il ne se passe pas grand chose !

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