Frédéric
se remettait lentement de ses émotions tandis que les sirènes de
police continuaient leur sermon plaintif. Il palpa chaque parcelle
de son corps bleuit par les gyrophares, pour vérifier qu’il
n’avait pas été touché. Ah ! Paramaribo, ça, il n’était
pas prêt d’oublier ! L'échange de coups de feu avait bien
failli lui être fatal.
Dans
le tumulte de la scène, il avait à peine entendu les portières des
Ford Sierra claquer. Encore abruti par l’agitation ambiante, il
retrouvait à peine ses esprits lorsqu’il vit quatre uniformes
rouge et vert – ornés d’une étoile jaune - s’affairer autour
de lui. Il fixait les fusils, solidement tenus d’une main tandis
qu’il s'imaginait déjà les poignets captifs de menottes froides.
Pourtant c’était lui la victime. Rien ne semblait avoir de sens.
Il paniqua, bloqua sa respiration, durcit son estomac, anticipant les
coups de crosse qu'il se voyait déjà recevoir à moins que ce ne
soit un uppercut qui éjecterait sa seule molaire non cariée, en
dehors de sa bouche. Arrête ton film ! Fred ! se
persuada-t-il en osant un coup d’oeil sur le visage des policiers.
Tout
se passa alors comme au ralenti. Très rapidement, les deux flics de
derrière assommèrent leurs collègues. C’est alors que Frédéric
reconnut le visage de..….Dolores ! Jamais il n'aurait pensé
trouver aussi réjouissant le visage de cette Lara Croft à
moustache.
- Bon, alors, tu te magnes, ou quoi ? lui hurla-t-elle.
Derrière
Dolorès, le quatrième policier terminait d’immobiliser les deux
autres flics puis il se releva et son regard de braise croisa celui
de Frédéric. Diego, Dieu soit loué ! Diego était là,
déguisé en policier, il allait le sortir de là ! oh, Diego,
mon cher Diego !
-
Monte, abrouti ! il faut s'enfouir avant que la vraie polizia ne
vienne…
Dolores
prit le volant, Diego poussa Frédéric sur la banquette arrière et
s’assit à coté de lui. La Ford Sierra repartit à toute allure
sur la voie de droite dans un hurlement de sirène.
- Poutain, Gauche - Izquierda,
Dolores, on roule à gauche ici ! Bordel !
Dolores
donna un coup brutal à gauche et la voiture s’enfila dans un nuage
de poussière.
Soudain,
le Cmax canari apparut dans le rétroviseur :
- On a de la visite, s’écria Dolores
- Peut être que si on avait éteint les sirènes… se risqua Frédéric.
Diego
et Dolores se regardèrent, l’espace d’une seconde, dépourvus
par le sens analytique de Frédéric.
Dolores écrasa le pied sur
l’accélérateur et prit la direction de la côte. Le temps était
lourd et la chaleur insoutenable. Des nuages noirs menaçaient
l’horizon. La route sinueuse longeait la côte atlantique tandis
que le Cmax se rapprochait dangereusement. Un coup de tonnerre
retentit, suivi d’autres coups…Instinctivement, Diego bascula
Frédéric pour le protéger des tirs. La vitre arrière vola en
éclat. Un éclair zébra le ciel sombre. Des pluies violentes
s’abattirent. Dolores n’y voyait rien. La route se faisait
étroite. La voiture s’enfourcha dans un virage très serré
toujours talonné par le Cmax. De nouveau coups de feu retentirent.
Arrêt sur image.
Frédéric, effaré, sentit une
balle lui traverser l’épaule. Il ne remarqua pas tout de suite la
douleur. Son cerveau lui martelait qu’il n’aurait pas dû se
relever. Il se tourna, affolé, vers Diégo et vit avec horreur du
sang jaillir de sa bouche et ses yeux… fixes. Non ! Pas lui !
Il resta pétrifié pendant quelques secondes observant les gouttes
de sang marquer des auréoles de plus en plus larges sur l’uniforme
de Diego. La voiture filait toujours dangereusement le long de la
route côtière sans pouvoir distancer ses poursuivants. La pluie
faisait rage. Frédéric eut soudain le sentiment de ne plus entendre
le crissement des pneus ni le battement des essuies-glaces. Niant sa
douleur physique, repoussant la réalité, le cœur déchiré et
battant à tout rompre, son cerveau tentait toujours d’analyser la
situation.
Retour en arrière.
Son ras le bol des convenances et
de sa petite vie bien rangée. Sa divulgation du rapport qui allait
pour la première fois compromettre un ponte de la DGSE, proche du
président. Son patron, qui plus est. Il fallait vraiment être naïf
pour croire que cela aurait pu se passer autrement. Tandis que ses
yeux fixaient sans le voir, le visage désormais sans vie de Diego,
il se remémora la passion de leur rencontre imprévue et improbable.
Sans son rapport Diego serait
toujours en vie ! Consumé de culpabilité, étouffé de
remords, il osa à peine un regard sur la route. On n’y voyait rien
de toute façon. Il était trempé par la pluie qui s’engouffrait
par l’arrière. Encore un virage serré ! La voiture allait
vite, tellement vite ! Soudain, il se sentit partir en
apesanteur. Le cri de Dolores le sortit de sa torpeur. Le vide. La
Ford venait de manquer son virage et allait immanquablement finir
dans l’océan. La chute lui parut interminable. Il pensa alors à
son son ex-femme, à son fils, Raphaël, à tous les doux moments
qu’ils avaient vécu ensembles. A la France, à Paris, au Canigou…
Et puis plus rien.
……..
ouh là là... mais ce n'est pas "Monte, abrouti", mais Plongeon ahuri...sang.
RépondreSupprimerPauvre Diego ! Son géniteur littéraire est triste.
Bravo très sincère pour ce rythme soutenu et ce suspens génial :-))
Ah Diego va me manquer...C'est qu'il raflerait presque la vedette à Frédéric... merci Jean Luc pour ce personnage coloré. Muchas Gracias. Et RIP Diego.(Rest In Peace)
SupprimerOuais, une suite rythmée, cadencée, rebondissante...c'est excellent!
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