CHAPITRE I
Frédéric n’était pas le genre d’homme à s’en remettre au
hasard. Dans sa conception de la vie, d’ailleurs, ce dernier
n’existait même pas. Le destin n’était pour lui qu’une vue de
l’esprit, une idée, un concept, qui servait de béquille à ceux
qui n’avaient pas le courage d’affronter les difficultés de la
vie, rendues nombreuses par une crise qui prenait des proportions
internationales.
Son petit deux pièces dans le XVIème arrondissement de Paris était
à l’image de sa propre vie : organisé, propre, et bien rangé. Il
ne recevait que très rarement, et quand cela se produisait, c’était
en général parce qu’il n’avait pas d’autre choix. Ses amis
étaient inexistants, et son entourage, c’était ses collègues de
travail, des personnes qu’il supportait parce qu’il y était
obligé.
Frédéric vivait sa solitude comme une réclusion volontaire, et les
autres, la masse grouillante de ses semblables, dont la promptitude à
juger n’était plus à démontrer, l’avaient classé dans la
catégorie des « no-life », ou, autrement dit, des
ermites des temps modernes.
Les raisons de son isolement étaient peu nombreuses, mais
suffisamment importantes pour qu’elles aient pris le pas sur tout
le reste. Son boulot d’abord : analyste à la D.G.S.E. Ce
métier n’avait en réalité rien à voir avec le romantisme
d’aventure véhiculé par le cinéma, ou les romans d’espionnage.
Il consistait simplement à étudier, trier, mettre en forme des
renseignements que d’autres que lui avaient récoltés sur le
terrain. Pour Frédéric, la notion de danger se résumait à sortir
ses poubelles quand l’ampoule de sa cage d’escalier était
grillée.
La deuxième raison découlait de la première. Trop absorbé par son
travail, il n’avait pas vu venir la fin de son couple. Presque sans
prévenir, elle était partie avec leur fils voilà plus de cinq ans,
le laissant dévasté, le cœur et l’âme brisés. Il n’avait pas
cherché à savoir où elle était, ni même si elle l’avait plaqué
pour quelqu’un d’autre. Il avait peur de la vérité qu’il
risquait de découvrir.
Il était dix-neuf heures passées quand il pénétra dans la ligne
11 du métro. La rame était bondée, et les odeurs corporelles de la
fin de la journée étaient autant de signaux que les douches
allaient couler.
Frédéric faillit rater son arrêt, Belleville, pour attraper sa
correspondance avec la ligne 2, tant son esprit était occupé sur le
dossier sur lequel il travaillait en ce moment. Une histoire de
trafic d’armes au Proche-Orient. Il venait de réussir à soulever
la chape de plomb qui recouvrait cette affaire, et les répercussions
lorsqu’il rendrait son rapport risquaient de faire trembler le
gouvernement jusqu’à son sommet.
Pourtant il hésitait encore à livrer ses conclusions. Le pays était
suffisamment plongé dans le chaos comme ça. Avait-il vraiment
besoin d’un nouveau scandale ? Il avait surtout besoin de
stabilité, et si son rapport venait à être dévoilé, l’effet
serait dévastateur. C’était un véritable dilemme.
Vingt heures venaient de sonner quand Frédéric arriva au pied de
son immeuble. Il ne remarqua pas la voiture noire qui partit en
trombes lorsqu’il passa le coin de la rue. Des crissements de pneu,
il y en avait tellement souvent dans Paris… Ce qui l’alarma, en
revanche, ce fut de trouver sa porte entrouverte, la serrure
fracturée.
Prudemment il poussa la porte et risqua un œil à l’intérieur. Le
désordre qui régnait dans son appartement était indescriptible.
Cela lui fit mal de voir cela. Il pénétra doucement. Aucun bruit,
aucun son. Il alluma la lumière. Ses affaires n’avaient pas été
simplement fouillées, on avait l’impression qu’il y avait eu lutte. Les meubles étaient défoncés, et aucun objet n’était
intact, tous jetés au sol. L’horreur le prit par surprise et lui coupa la respiration.
Un corps gisait dans une mare de sang. C’était celui d’un homme
aux tempes grisonnantes. Il était vêtu d’un costume de grande
marque, et il tenait une petite mallette dont les loquets étaient
ouverts. Mais il ne put voir son visage, car il était tourné de
l’autre côté, vers le mur.
L’angoisse, la peur et l’horreur à leur apogée, Frédéric
s’avança et fit le tour du cadavre. Son incompréhension déjà
grande fit un énorme bond quand il découvrit l’identité du mort. Le ministre de la défense, son patron, venait d’être abattu dans
son salon.
Le fait qu’il soit aussi une des personnes impliquées dans le
trafic d’armes ne lui sauta pas immédiatement à l’esprit. Mais,
lentement, une lueur perçait les ténèbres qui venaient de
s’abattre sur lui. Une lumière rouge et clignotante, une lumière
d’alarme.
Avec le pied, il ouvrit la mallette. Elle était pleine de billets de
cinq cents euros.
Il comprit. Il venait d’être projeté au cœur d’une
machination, une mascarade dont il serait le gambit.
Au loin, des sirènes de police retentirent. Plus elles
s’approchaient, plus elles vrillaient le cerveau de Frédéric.
Dans la plus grande précipitation, il ramassa quelques affaires, se
saisit d’une liasse de billets, et quitta son appartement.
Il devait prouver son innocence. Il n’y avait qu’un seul moyen
pour cela : confronter les vraies coupables. Se lancer à son
tour dans cette partie dont il ne connaissait pas encore les règles.
La peur et les flics aux basques, Frédéric s’enfonça dans les
ténèbres de la nuit...
Je crois bien que tout ça va aller très loin^^
RépondreSupprimerComme Frédéric, je me demande dans quoi nous nous sommes embarqués et comment tout ça va finir...
RépondreSupprimerTrès bien. Ca promet ! Et c'est tant mieux !
RépondreSupprimerJ'édite... histoire de garder le fil de l'histoire... Excellent début
RépondreSupprimerJe suis partant !
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