mercredi 10 avril 2013

Chapitre 2 (par Mathieu La Manna)


Les coins de rue et les visages gris de la nuit observaient cet homme courant à sa perte. Le pavé encore noirci par le froid de la nuit le guide à l’aveugle dans le cœur de ses propres méandres. Angoisse et terreur accompagnent, main dans la main, celui qui s’est perdu en lui-même. La faune nocturne jetait un regard amusé à ce nouveau venu de nulle part. Errant parmi eux, Frédéric ne sait plus quoi faire, déroute totale dans un univers aux allures bien rangées qu’il venait tout juste de perdre.

La respiration haletante, le cœur battant à tout rompre, l’esprit dans la brume de son incompréhension, Frédéric n’en pouvait plus de courir dans la nuit, seuls quelques mots ne cessaient de s’afficher dans sa tête : « Fuir, fuir la raison, fuir sans raison ».

La tête lui tournait dans tous les sens. La vague de panique qui l’a envahi dès son arrivée dans son appartement ne lui a pas permis de réfléchir rationnellement à la suite de ce qui allait arriver. Mais qu’aurait-il bien pu faire de plus? Tout était en miettes chez lui, comme sa vie d’ailleurs l’avait été. De plus, de l’arrivée des gardiens de la paix sonnait davantage la rapidité d’action que la réflexion.

Ses jambes n’en pouvaient plus, lui qui n’avait jamais été un athlète payait le prix de sa sédentarité de fonctionnaire. Toutefois, le temps n’était pas à l’apitoiement, mais à la recherche d’un plan de secours, le plan B, le plan inexistant.

S’appuyant contre un mur dans une des rues qu’il n’avait jamais même arpentées depuis son vivant, il reprit son souffle à l’abri d’un bac à poubelles. Sa respiration toujours ardue se muta en crise d’angoisse rendant sa récupération quasi impossible.
La rage de l’impuissance se gorgeait à chacune de ses inspirations qui lui brûlaient les poumons. Lui qui avait toujours eu cette vie sans histoire, se voyait désormais sous une nouvelle appellation de fugitif fautif accusé à tort.

S’adossant au mur de briques orné de graffitis grivois, la bile montante se fraya un chemin vers la porte de sortie inondant les alentours de son refuge temporaire improvisé. La tête lui tournait de plus en plus. C’est dans cet état d’esprit que le réel s’était dissout dans un brouillard qui l’envahissait rendant noir tout ce qui l’entourait. Bref, il perdit connaissance.

Délire d’un songe venu tout droit le torturer dans toute sa vulnérabilité, il voit toute sa vie qui défile dans un monde qui n’est plus sien, qui ne l’a jamais été d’ailleurs. Un imposteur joue son rôle et jouit d’une vie comblée sous le couvert d’une vie familiale épanouie, un cottage simple et un travail moins prenant.

Son corps se mut par les soubresauts du dégoût que lui engendrait cette vision forçant son réveil brutal. Comme le monde onirique n’est jamais bien loin du réel, il sentit la douleur des assauts répétés d’un ravisseur. Il fut roué de nombreux coups de pied brisant ainsi toutes les résistances qu’il aurait pu offrir si la vie ne lui avait pas retiré l’espoir de vivre. Ivre de douleur, il assiste, impuissant, à la fuite de son assaillant avec à son bord les dernières ressources financières qu’il avait prises avant de partir.


1 commentaire:

  1. Voici le commentaire de Jean-Luc, posté sur ce chapitre avant que les limbes informatiques ne l'avalent :
    "Entre "le félon fourbe" et "l'autre", c'est bien le premier qui répond le mieux à son nom :-))) Si "l'autre" avait brillamment posé les bases d'une grande histoire... la félonie du fourbe n'apporte très modestement qu'une petite idée nouvelle, bien confortablement installée au détour de propos de promenade... petit malin, va :-)))
    Bien à vous et au plaisir de vous lire!"

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