mercredi 17 avril 2013

Chapitre 3 (par Mathieu Jaegert)


Frédéric se redressa difficilement plus de dix minutes après l’assaut. Il n’avait aucun point de chute en vue, et pourtant il fallait à tout prix qu’il reprenne ses esprits en un lieu sûr. Il jeta un œil à sa montre qui affichait vingt-et-une heures trente, mais surtout une zébrure qui avait fendu le verre et signé l’arrêt du mécanisme. Les quelques pièces qui lui restaient en poche feraient l’affaire pour une boisson chaude. Il se dirigea tant bien que mal vers le bistrot qu’il apercevait cent mètres plus loin. Ce n’était peut-être pas l’endroit le plus sécurisé mais après tout, il ne voyait personne sur qui compter à cette heure dans son entourage amoindri et éparpillé depuis sa séparation d’Isabelle.

Les rues avaient brusquement retrouvé leur calme. La promenade nocturne aurait pu paraître agréable s’il n’y avait pas eu cet enchaînement d’évènements. Mais la douleur qui irradiait ses membres lui rappelait à chaque pas le cauchemar dans lequel il venait d’être plongé. Au moment de pousser la porte du café, les quelques habitués présents se retournèrent et lui rappelèrent sa position inconfortable. Son visage, qu’il aperçut dans un miroir accroché de guingois ne fit rien pour atténuer une nouvelle bouffée de panique. Bleus, égratignures, sang et poussière le défiguraient. Il s’installa péniblement sur une banquette, le plus loin possible de tout client. L’absence de signe amical, ne serait-ce qu’un « bonjour » avait été aussi pesant que leurs regards.

Le café ne tarda pas. Il était brûlant, pourtant Frédéric avait un mal fou à se réchauffer. Il tenta de faire abstraction des quelques conversations alentours et de ce sentiment puissant d’être épié. Afin d’éloigner tout malentendu, il avait payé dès réception du breuvage. Outre des soins et un réconfort illusoires dans l’immédiat, il lui fallait d’urgence analyser la situation. Lui qui excellait dans le domaine en temps normal éprouva toutes les peines du monde à se concentrer. Un comble pour le brillant analyste qu’il était. Toutes ses certitudes venaient de dégringoler. Si sa vie personnelle lui échappait depuis un moment, il s’était réfugié derrière une organisation méticuleuse qui ne tenait finalement qu’à son dévouement sans faille à l’Etat, et au renseignement extérieur. Sans faille jusqu’à aujourd’hui.

Les télévisions disposées aux quatre coins de la salle diffusaient des chansons qui devaient être à la mode, se dit-il. Preuve encore qu’il vivait en dehors de la réalité, loin de ses semblables.
Les questions affluaient, les unes saugrenues a priori, les autres capitales. Pourquoi cette mise en scène et pourquoi précisément s’en prendre à lui ? Certes, c’était bien lui, Frédéric Jantet, qui s’apprêtait à rendre un rapport explosif. Mais il n’était qu’un simple fonctionnaire. C’était peut-être là qu’était la faille. Il constituait une proie facile. Quelque chose clochait tout de même. Même si l’ensemble de sa hiérarchie était au courant de l’affaire qu’il suivait, personne ne connaissait la teneur de ses conclusions. Alors bien sûr, les supputations allaient bon train, jusqu’aux plus farfelues entretenues par la rumeur médiatique, et une partie de la vérité avait déjà été dévoilée ou envisagée. Une toute petite partie. Mais personne ne savait ce que Frédéric allait révéler. Ou plutôt, il n’en avait parlé à personne. Il avait respecté toutes les procédures internes, ô combien contraignantes, y compris dans l’enregistrement et la numérisation des centaines de données collectées et recoupées sur les serveurs informatiques.

Une violente douleur l’arracha à sa tasse devenue froide et à ses pensées. Au même moment, le programme musical fut remplacé par un flash info dont l’ouverture le fit tressaillir. Il avait oublié le temps d’une pause sa condition de fuyard. Le journaliste se chargea en deux annonces de lui rappeler. Derrière lui, les images défilaient. Le reportage mettait en scène les lieux du crime, son appartement, mais également d’autres endroits et des acteurs de l’affaire, dont des collègues de la DGSE. Mais une personne retint son attention. Un visage connu. Le type était même interviewé. Son nom apparut à l’écran. Le sang de Frédéric se figea…

« Bordel ! » laissa-t-il échapper.


4 commentaires:

  1. Une fin habile ma foi hahah, du boulot pour redémarrer Java!!!!

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  3. "Bordel", "bordel"... tout de suite les gros mots !!! Pfff
    N'empêche, je trouve que Mathieu a été gentil avec Java, quoi que celui ci en dise :-)) Avec une telle fin, tout est permis TOUT et j'attends de voir la fin du chapitre suivant pour savoir si Jacques ne réserve pas un coup bien plus vache :-))
    Si je peux me permettre, dans les toutes dernières lignes, le flash info : Il s'agit quand même de la mort d'un ministre, donc je crois qu'il faudrait le souligner à nouveau, car on sait bien à quel point les médias ressassent ce genre d’événement en boucle quand cela arrive. Ce sont même certainement les premiers mots qui seraient annoncés dans un flash :-)) Bravo Mathieu.

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  4. Je replonge dans cette histoire et j'ai hâte de lire la suite !
    Bonne journée à tous.

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