Frédéric
se redressa difficilement plus de dix minutes après l’assaut. Il n’avait aucun
point de chute en vue, et pourtant il fallait à tout prix qu’il reprenne ses
esprits en un lieu sûr. Il jeta un œil à sa montre qui affichait vingt-et-une
heures trente, mais surtout une zébrure qui avait fendu le verre et signé
l’arrêt du mécanisme. Les quelques pièces qui lui restaient en poche feraient
l’affaire pour une boisson chaude. Il se dirigea tant bien que mal vers le
bistrot qu’il apercevait cent mètres plus loin. Ce n’était peut-être pas
l’endroit le plus sécurisé mais après tout, il ne voyait personne sur qui
compter à cette heure dans son entourage amoindri et éparpillé depuis sa
séparation d’Isabelle.
Les
rues avaient brusquement retrouvé leur calme. La promenade nocturne aurait pu
paraître agréable s’il n’y avait pas eu cet enchaînement d’évènements. Mais la
douleur qui irradiait ses membres lui rappelait à chaque pas le cauchemar dans
lequel il venait d’être plongé. Au moment de pousser la porte du café, les
quelques habitués présents se retournèrent et lui rappelèrent sa position
inconfortable. Son visage, qu’il aperçut dans un miroir accroché de guingois ne
fit rien pour atténuer une nouvelle bouffée de panique. Bleus, égratignures,
sang et poussière le défiguraient. Il s’installa péniblement sur une banquette,
le plus loin possible de tout client. L’absence de signe amical, ne serait-ce
qu’un « bonjour » avait été aussi pesant que leurs regards.
Le
café ne tarda pas. Il était brûlant, pourtant Frédéric avait un mal fou à se
réchauffer. Il tenta de faire abstraction des quelques conversations alentours
et de ce sentiment puissant d’être épié. Afin d’éloigner tout malentendu, il
avait payé dès réception du breuvage. Outre des soins et un réconfort illusoires
dans l’immédiat, il lui fallait d’urgence analyser la situation. Lui qui
excellait dans le domaine en temps normal éprouva toutes les peines du monde à
se concentrer. Un comble pour le brillant analyste qu’il était. Toutes ses
certitudes venaient de dégringoler. Si sa vie personnelle lui échappait depuis
un moment, il s’était réfugié derrière une organisation méticuleuse qui ne
tenait finalement qu’à son dévouement sans faille à l’Etat, et au renseignement
extérieur. Sans faille jusqu’à aujourd’hui.
Les
télévisions disposées aux quatre coins de la salle diffusaient des chansons qui
devaient être à la mode, se dit-il. Preuve encore qu’il vivait en dehors de la
réalité, loin de ses semblables.
Les
questions affluaient, les unes saugrenues a priori, les autres capitales.
Pourquoi cette mise en scène et pourquoi précisément s’en prendre à lui ?
Certes, c’était bien lui, Frédéric Jantet, qui s’apprêtait à rendre un rapport
explosif. Mais il n’était qu’un simple fonctionnaire. C’était peut-être là
qu’était la faille. Il constituait une proie facile. Quelque chose clochait
tout de même. Même si l’ensemble de sa hiérarchie était au courant de l’affaire
qu’il suivait, personne ne connaissait la teneur de ses conclusions. Alors bien
sûr, les supputations allaient bon train, jusqu’aux plus farfelues entretenues
par la rumeur médiatique, et une partie de la vérité avait déjà été dévoilée ou
envisagée. Une toute petite partie. Mais personne ne savait ce que Frédéric
allait révéler. Ou plutôt, il n’en avait parlé à personne. Il avait respecté
toutes les procédures internes, ô combien contraignantes, y compris dans
l’enregistrement et la numérisation des centaines de données collectées et
recoupées sur les serveurs informatiques.
Une
violente douleur l’arracha à sa tasse devenue froide et à ses pensées. Au même
moment, le programme musical fut remplacé par un flash info dont l’ouverture le
fit tressaillir. Il avait oublié le temps d’une pause sa condition de fuyard.
Le journaliste se chargea en deux annonces de lui rappeler. Derrière lui, les
images défilaient. Le reportage mettait en scène les lieux du crime, son
appartement, mais également d’autres endroits et des acteurs de l’affaire, dont
des collègues de la DGSE. Mais une personne retint son attention. Un visage connu.
Le type était même interviewé. Son nom apparut à l’écran. Le sang de Frédéric
se figea…
« Bordel ! »
laissa-t-il échapper.
Une fin habile ma foi hahah, du boulot pour redémarrer Java!!!!
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RépondreSupprimer"Bordel", "bordel"... tout de suite les gros mots !!! Pfff
RépondreSupprimerN'empêche, je trouve que Mathieu a été gentil avec Java, quoi que celui ci en dise :-)) Avec une telle fin, tout est permis TOUT et j'attends de voir la fin du chapitre suivant pour savoir si Jacques ne réserve pas un coup bien plus vache :-))
Si je peux me permettre, dans les toutes dernières lignes, le flash info : Il s'agit quand même de la mort d'un ministre, donc je crois qu'il faudrait le souligner à nouveau, car on sait bien à quel point les médias ressassent ce genre d’événement en boucle quand cela arrive. Ce sont même certainement les premiers mots qui seraient annoncés dans un flash :-)) Bravo Mathieu.
Je replonge dans cette histoire et j'ai hâte de lire la suite !
RépondreSupprimerBonne journée à tous.