lundi 22 avril 2013

Chapitre 4 (par Java)


Il regarda autour de lui sans s’attarder, juste pour voir si son juron avait été entendu. Personne ne le dévisageait, décidément même dans les situations les plus extrêmes, il restait ce qu’il avait toujours été, un petit employé, un petit français, un de ceux qui ne font jamais de bruit et traversent la vie sans qu’on les remarque. Un sentiment confus céda un instant la place à la peur qui depuis la fin d’après midi s’était lovée en hôte pervers dans sa poitrine, griffant au passage son foie, son estomac.  Pour tous il était invisible, un « monsieur tout le monde » et pourtant à cet instant il était sur d’autres rives.  Il avait passé son existence à se persuader qu’il était différent et que son heure viendrait avec la reconnaissance du travail accompli et là, maintenant il n’avait qu’une envie, celle d’être comme eux, il aurait pris tous leurs emmerdes, leurs dettes, les bigoudis de leurs femmes, les joints de l’ado de la famille en échange de ce qu’il était en train de vivre.

Il revint à la télé, si certains clients portaient le regard vers les écrans, c’était avec détachement, personne ne semblait remarquer que le type qui parlait à la télé lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, il aurait pu être son jumeau mais en plus décontracté,  en moins complexé. Le frère jumeau, annoncé maintenant comme tel et dont le texte en surimpression indiquait qu’il se prénommait Frédéric, chemise blanche ouverte sous une veste visiblement bien coupée, lui conseillait de se rendre. Le problème était qu’il n’avait pas de frère jumeau, pas même de sœur, fut elle d’un autre lit. Il souri intérieurement, « d’un autre lit », il pensa au peu d’intérêt que sa mère avait eu pour la chose y compris avec son propre mari ; alors avec un autre, c’était tout simplement impossible même en l’ayant droguée avec tous les aphrodisiaques connus.

Sa « filiation » disparut au profit de fuites sur les réacteurs de Fukushima, il s’arracha aux images, La bête dans sa poitrine s’était réveillée et avec elle l’impossibilité de réfléchir, même le dallage blanc sale du bar lui renvoyait sa solitude, son angoisse qui n’allait pas tarder à muer en véritable terreur et la fin de ses certitudes. Derrière les vitres du bar la nuit s’était installée à peine dérangée par la lumière des réverbères et… le point incandescent d’une cigarette plantée sur un visage dont les yeux le fixaient avec insistance.

5 commentaires:

  1. Bravo Java... Certes "l'action" stagne un peu depuis le premier texte de Dark, mais il avait mis la barre assez haut. Pas de la tarte à faire évoluer cette histoire... les derniers vont avoir du boulot sur la planche ;-)

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  2. Bien vu, une nouveau personnage énigmatique en vue?

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  3. Toujours dans le suspens et de plus en plus j'ai envie de dire ! bravo

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  4. Eh la suite ne va pas être facile... Mais il y a tout de même rebondissement ! Allez ça roule toujours...

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  5. Les cadavres exquis sont comme une traversée dans le brouillard, on ne sait jamais ce qui nous attend en tant qu'auteur !
    Pour les derniers cela ne va pas être de la tarte !!

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